On jouait déjà avant ta naissance, donc on a raison

Conférence « jeux vidéo et violence » à Munich aujourd’hui 20 novembre

Par • le 20/11/2008 • Entre nous

Tout est dans le titre, il me semble.

Aujourd’hui, jeudi 20 novembre 2008, a eu lieu une conférence « internationale » (en fait, les intervenants sont presque tous allemands, à l’exception d’un américain), organisée par l’Université de Munich. Il s’agit de recenser les derniers avancements de la recherche scientifique sur les « jeux violents » et d’en tirer les conséquences sur le plan social et politique.

Le site de la conférence est pour l’essentiel en allemand, mais il inclut aussi une présentation en anglais. Toutefois, les gens pressés peuvent se reporter à la traduction française donnée (tout en bas de la page) par l’hebdomadaire suisse Horizons et Débats (1). Comme souvent avec eux, le texte a été traduit à la truelle, mais bon, c’est mieux que rien (d’autant que mes propres traductions d’articles ne sont pas forcément un modèle) :

Les jeux informatiques se distinguent d’après leur contenu et leur mode de représentation. Les jeux d’action sont incroyablement rapides et fixent le joueur sur des excès de tuerie virtuelle et des orgies de violence qui vont à l’encontre d’un développement sensible et humain de la personnalité chez les enfants et adolescents. L’abrutissement n’est qu’un des effets de la violence dans les jeux informatiques. En même temps, des milieux intéressés en politique, en économie et en science prétendent que la recherche sur les effets n’aurait donné aucun résultat ou bien des résultats contradictoires, et qu’il n’y aurait pas d’effets de la violence virtuelle sur le comportement des enfants et adolescents.

Le congrès sur les médias du 20 novembre prochain veut opposer à cette désinformation ciblée de nouveaux résultats de recherche sur les effets des médias et en tirer des conséquences pédagogiques et politiques. Des chercheurs sur les médias des USA et d’Allemagne présenteront quatre nouvelles études sur le long terme qui prouvent que la consommation de violence par les jeux informatiques est la cause de changements de la personnalité et de violence réelle.

Le congrès sur les médias «Jeux informatiques et violence» est une coopération de l’Université de Munich et de la Ludwig-Maximilians-Universität à Munich et s’adresse aux parents, enseignants, étudiants, scientifiques et hommes politiques.

A ce stade-là, vous l’aurez compris, cette conférence n’offre pas beaucoup de place aux points de vue contradictoires : elle va surtout regrouper les adeptes d’une même école de pensée (2). Cela dit, c’est l’occasion pour moi de vous présenter certains des intervenants à cette conférence. Il me semble important de le faire, puisque d’une certaine manière nous sommes « liés » à eux. En effet, c’est notre loisir qu’ils étudient, et en général c’est vers eux que se tournent les médias généralistes (ainsi que les hommes politiques) quand ils ont besoin de l’avis d’un « expert ». Nous aussi, nous nous tournons vers eux, souvent pour critiquer leurs études et leurs opinions, ou pour demander des éclaircissements. Parfois, ils s’intéressent à nous au point d’en faire un sujet d’étude. Bref, qu’ils soient nos interlocuteurs ou nos adversaires, ils font partie de nos vies. Il est donc temps d’apprendre à les connaître.

Il faut préciser que je n’ai pas l’intention de tous les présenter de manière aussi détaillée les uns que les autres. Autant la plupart des intervenants, psycholoques et socioloques, nécessitent juste un rappel de leurs principaux résultats de recherche, autant le cas du journaliste Rainer Fromm mérite une analyse plus poussée, tant sa relation avec les joueurs symbolise tout ce qui ne va pas dans le débat sur la violence des jeux vidéo.

Voici donc ce que vous devriez savoir sur les principaux intervenants à ce colloque :

Douglas Gentile

Pyscholoque à l’Université de l’Iowa et directeur de recherche de la National Institute on Media and the Family (3), le docteur Douglas Gentile est, avec son collègue Craig Anderson, l’un des chercheurs les plus cités sur les effets de la violence des jeux vidéo. Ensemble, ils ont écrit un livre paru l’an dernier dans lequel ils récapitulaient les résultats de leurs études sur le sujet (4). Mais Gentile a toujours pris soin de ne jamais confondre « jeux vidéo violents » et jeux vidéo tout court, et de ne jamais faire des « jeux violents » un bouc émissaire qui permettrait d’absoudre la violence d’autres médias comme la télévision ou le cinéma. D’ailleurs, la violence n’est pas le seul aspect des jeux vidéo qui intéresse Gentile, puisqu’il a aussi mené des recherches sur les effets plus « positifs » des jeux vidéo. Comme par exemple leur impact bénéfique sur les compétences des chirurgiens ou sur la socialisation des jeunes joueurs. En fait, selon lui, les jeux vidéo dans leur ensemble constituent un puissant outil d’apprentissage. Seulement, selon ce qu’ils contiennent, l’usage qu’on en fait et les personnes qui les utilisent, on peut apprendre le meilleur comme le pire.

Rainer Fromm

Docteur en sciences politiques et journaliste, Rainer Fromm a réalisé de nombreux reportages, notamment sur l’extrême droite, dans laquelle il inclut nos « amis » les LaRouchistes (5), mais aussi, depuis quelques années, sur les « killerspiele » ou « jeux de tueurs ». L’histoire du malentendu qui l’oppose aux joueurs allemands à cause de ces reportages est tellement ubuesque qu’elle aurait pu faire un excellent scénario pour la défunte série La Quatrième Dimension sous le titre « Comment se tromper d’ennemi pour la bonne cause » (6).

Si vous vous souvenez de la calamiteuse soirée thématique « Faut-il avoir peur des jeux vidéo » diffusée sur Arte en 2000, et bien l’auteur du premier reportage intitulé « Du joystick à la gâchette« , c’est lui. Là encore, tout un programme. Et pourtant, il s’est bien rattrapé dans un livre paru en 2002 (7), où il a démontré une réelle connaissance de son sujet : il s’est renseigné sur l’histoire et le développement des FPS (puisque c’est le type de jeux qu’il a étudié en particulier), il y a joué lui-même (même s’il préfère la stratégie temps-réel), et il est allé dans les LAN parties interroger des joueurs. N’ayant pas lu le livre, je ne peux rien en déduire sur sa qualité, mais d’après les extraits disponibles sur le Net, confirmés par ses interviews ultérieures, les conclusions de Fromm sont que le jeu vidéo en tant que « sport électronique » est un loisir sain, et que les joueurs sont en majorité des personnes équilibrées. Morceaux choisis (traduits depuis les extraits disponibles en anglais sur cette page) :

L’écrasante majorité des fans de jeux vidéo sont pacifiques. Pendant la recherche que j’ai menée pour mon livre, je n’ai jamais été témoin d’un seul acte de violence ou d’agressivité dans les LAN-parties. De nombreux parents sont heureux d’envoyer leurs enfants dans une LAN-party le week-end. Jouer signifie un week-end sans alcool ni drogue ni bagarre.

L’entretien [que j’ai mené] réfute totalement le cliché du gamer autiste et solitaire qui s’abrutit toute la nuit devant l’écran. Il documente les fonctions sociales des jeux en réseau, qui sont partie intégrante des habitudes et des loisirs de la jeunesse.

En fait, si Rainer Fromm n’est pas ce qu’on pourrait appeler un gamer, c’est un habitué avisé des jeux vidéo, y compris des jeux qualifiés de « violents » tels que certains FPS. Mais ce qu’il n’aime pas du tout, c’est le gore, le sadisme et l’immoralité. En fait, il est insuffisant de dire qu’il n’aime pas : il ne supporte pas. En tant que journaliste engagé contre l’extrémisme, il n’accepte pas de voir distribuer des jeux qui selon lui sont basés sur des valeurs militaristes, voire « anti-démocratiques ». Et en tant que père, il est horrifié à l’idée que des enfants (pas seulement les siens) puissent y avoir accès. D’autant plus que selon lui, les joueurs de FPS tels que Counter-Strike n’ont absolument pas besoin de sang pour prendre plaisir à jouer. Et des jeux peuvent être « à environnement ouvert » comme Grand Theft Auto sans pour autant mettre dans la peau d’un criminel.

C’est cette répulsion extrême pour la violence sanglante et sadique, ainsi que ses inquiétudes de père, qui l’ont poussé a réaliser un reportage pour l’émission de télévision Frontal 21, diffusé par la chaîne ZDF le 9 novembre 2004 et intitulée Videogemetzel im Kinderzimmer, littéralement, « Vidéo-carnage dans les chambres d’enfants » (8). En tant que reportage coup-de-poing contre les « killerspiele », il est entièrement à charge et d’une non-objectivité assumée.

Ne l’ayant pas vu dans une langue que je pourrais comprendre (français ou anglais), je ne peux rien dire quant à son contenu. Mais je peux au moins mentionner les dérives possible de ce type « d’émissions-choc » qui renonce volontairement à l’objectivité. De telles émissions sont généralement le fait de gens qui veulent à tout prix dénoncer une situation et la présenter de manière la plus révoltante possible. Je dis « révoltante » à dessein, parce que le but est bel et bien de révolter le téléspectateur. Les risques de dérapage sont évidents : à force de vouloir en rajouter pour susciter l’indignation du public, on peut verser dans le sensationnalisme racoleur, voire se mettre à raconter n’importe quoi. Mais le plus grave, c’est que pendant que l’auteur en rajoute, sûr de son bon droit, il ne s’imagine absolument pas qu’on puisse ne pas le suivre et être en désaccord avec lui. Et il ne peut pas non plus s’imaginer qu’une maladresse de sa part puisse desservir sa cause, tellement celle-ci est juste. Or cette arrogance peut lui coûter très cher. L’écrivain Christian Combaz, dans l’une de ses chroniques télé, mettait déjà en garde contre ces « émissions-choc », à propos d’un téléfilm inspiré de faits réels en rapport avec l’islamisme (9) :

La télévision nationale devrait se garder la première de diviser la nation. Or, pour des raisons incompréhensibles, sur un sujet aussi sensible que les mariages franco-musulmans, France 2 vient de verser, sur des braises rouges, un verre d’alcool à brûler. Certes le téléfilm À la recherche de Sarah [en fait appelé Retrouver Sara, tout comme le livre éponyme de Fabienne Brin dont il est une adaptation], présenté en deux épisodes, est inspiré d’un fait divers réel, il a été primé dans plusieurs festivals, mais il fait décidément trop peu de cas des risques d’incendie. Cette histoire d’une femme à qui un mari iranien, musulman déclaré, fait subir humiliations, violences, mutilations avant de lui voler sa fille, est diffusée dans un contexte social qui exigerait la prudence.

On la cherche en vain dans le scénario. Comme à chaque fois qu’on aborde dans un téléfilm un sujet épineux (la perception des homosexuels, le racisme, l’injustice économique etc.), on peut parler d’une véritable témérité du bon droit. Le problème, avec cette télé qui dénonce, qui appuie là où ça fait mal, est qu’à force de faire réagir le peuple, elle le dispose à la colère. À force de souligner l’intolérance, elle la propage. En l’occurrence le cinglé du film concentre, en un quart d’heure, la plupart des sujets de rancœur qui traversent la société française à propos des musulmans intégristes. À la plage, il couvre les jambes de sa femme. Il l’accuse d’être « la putain de l’hôpital » (elle est infirmière). Un jour où elle rentre avec une bouteille de vin rouge, il lui crie : « Je t’ai dit de ne pas faire entrer d’alcool dans cette maison. » Il charge sa sœur (voilée) de veiller sur leur fille. Et, comble de maladresse scénaristique, à chaque fois qu’il bat sa femme, l’humilie ou essaie carrément de la saigner avec un couteau de cuisine (scène réaliste qui joue, de manière très malsaine, sur l’horreur culturellement connotée de l’égorgement), on entend, à l’arrière plan, une musique de casbah.

Ça fait tout de même beaucoup pour la simple satisfaction d’avoir raison contre l’obscurantisme. La défense du bon droit, la lutte contre l’injustice ne devraient jamais frôler l’offense à ce point-là. À la télévision, le service public et l’ordre public entretiennent des rapports qu’il faudrait rappeler davantage.

Compte tenu des échos que j’ai eus du reportage et des propres explications de Rainer Fromm, je ne serais pas surpris si ce reportage souffrait des défauts évoqués précédemment. Mais j’ai également l’impression qu’à force de charger la barque contre les « killerspiele », Fromm a oublié de préciser que son reportage, qui n’avait pas pour vocation à être objectif, ne s’en prenait absolument pas aux jeux vidéo dans leur ensemble. Je parie même qu’il a complètement négligé de rappeler ses travaux et ses opinions réelles sur le jeu vidéo et ses pratiquants. Et dans le contexte du débat sur la violence des jeux, qui lui aussi « exigerait la prudence », c’est de loin la plus grave erreur qu’il pouvait faire, d’autant plus que ce reportage était le premier consacré aux jeux vidéo sur la télévision allemande.

En effet, à quoi la télé (ainsi que la presse généraliste) nous a habitués dans ce domaine ? La violence, la violence, la violence ! Pendant longtemps, ce fut pratiquement le seul aspect des jeux vidéo qui l’intéressait, donc le seul aspect qu’elle jugeait digne d’intéresser le public. Le seul aspect qu’elle daignait voir, donc le seul aspect qu’elle donnait à voir, souvent avec des erreurs et des approximations grossières. Parfois, on pouvait se demander ce qui intéressait vraiment les journalistes : s’agissait-il d’attaquer un média concurrent ? (10) Ou s’agissait-il seulement de racoler le public avec des images et des histoires croustillantes, en se fichant complètement du média lui-même ? (11) Quoi qu’il en soit, parmi toutes les émissions censées traiter des jeux vidéo, je n’en ai vu aucune qui en parlait véritablement, aucune qui daignait en faire véritablement le tour. La focalisation sur la violence était un prétexte pour diaboliser l’ensemble des jeux vidéo. Et à chaque fois qu’un journaliste spécialisé ou un chercheur réputé « défenseur des jeux vidéo » était invité sur un plateau, c’était uniquement pour parler de violence. Enfin, « parler » est un bien grand mot : « se faire lyncher » serait plus exact (12). Et pendant des années nous avons dû subir en toute impunité ce genre de traitement médiatique, qui niait carrément la réalité du jeu vidéo (13). Certes, je parle surtout de l’exemple français, mais je doute que la situation ait été meilleure dans les autres pays.

Revenons au reportage de Rainer Fromm. Dans un contexte apaisé, où le grand public disposerait d’une bonne connaissance des jeux vidéo, ou alors dans le cadre d’une série d’émissions qui feraient le tour de ce média et traiteraient de tous ses aspects (différents genres, publics, pratiques, possibilités, risques…), je suis sûr qu’un tel « reportage coup-de-poing » serait passé beaucoup plus facilement. Après tout, des critiques, parfois très dures, se sont faites entendre au sein de la presse spécialisée et de la communauté des joueurs contre la violence racoleuse, le machisme régressif ou l’idéologie militariste de certains jeux. Seulement voilà, ce reportage a été livré tel quel à des joueurs déjà chauffés à blanc par le traitement médiatique épouvantable imposé à leur loisir depuis des années. Et apparemment, il a été livré sans aucune précision qui aurait pu aider à replacer ce reportage dans son contexte, ou qui aurait pu aider à comprendre les intentions de son auteur. Pour un joueur lambda, il s’agissait d’un reportage « sur les jeux vidéo », qui une fois de plus ne voulait voir qu’un seul aspect, le pire, et qui le présentait de manière unilatérale et outrancière. Sans parler des nombreuses erreurs et approximations, parfois graves, qui émaillaient le reportage, et qui ont été abondamment documentées (voir plus bas).

La conséquence était écrite : la chaîne ZDF, l’émission Frontal 21 et Rainer Fromm ont subi une tempête de protestations. La chaîne elle-même a été inondée de plaintes et de courrier désapprobateur (pratiquement un millier de messages sur le forum de ZDF). Les différents sites et blogs spécialisés ont laissé éclater leur colère. Quant à Rainer Fromm, il est pratiquement devenu « l’ennemi public numéro 1 » des joueurs allemands. Les choses sont allées tellement loin qu’il a reçu des menaces de mort très précises concernant sa famille et l’endroit où il habite.

D’un autre côté, si ce reportage est devenu pour les joueurs un mètre-étalon en matière d’incompétence journalistique, il est également devenu une référence pour un bon nombre d’opposants aux « killerspiele », qu’ils fassent partie du milieu politique, médiatique ou scientifique. De nombreuses personnes favorables à l’interdiction totale de tels jeux, aux enfants comme aux adultes, ont puisé au moins une partie de leur argumentaire dans ce reportage. En cette même année 2004, une proposition de loi a d’ailleurs été déposée dans ce sens par la droite allemande.

Naturellement, Fromm et ses chefs n’ont absolument rien compris à cette réaction. Si on met de côté les insultes et les menaces de mort, totalement inacceptables et injustifiables (j’ajouterais qu’en tant que joueur passionné, elles me font honte), leur incompréhension à ce déluge de protestations était aussi prévisible que les protestations elles-mêmes. Comment peut-on ne pas les suivre ? Comment ne pas les rejoindre dans la cause qu’ils défendaient, c’est-à-dire la protection des enfants et de la société face à la violence sadique des « killerspiele » ? Compte tenu de cette cause, et avec tout ce qu’ils avaient mis sur le dos de ces jeux , extraits vidéo à l’appui, il leur était inenvisageable que quelqu’un se risquât à les défendre ! « Témérité du bon droit », quand tu nous tiens… Ils ne pouvaient probablement pas comprendre que c’était justement « tout ce qu’ils avaient mis sur le dos de ces jeux », compte tenu du contexte décrit plus haut, qui avait provoqué cette fureur, et qui avait outré un grand nombre de joueurs qui ne se seraient probablement pas sentis visés « en temps normal ». Effectivement, « ça fait tout de même beaucoup pour la simple satisfaction d’avoir raison contre l’obscurantisme ».

Suite à ce reportage et à la controverse qui s’est ensuivie, Rainer Fromm a quand même pu s’expliquer par le biais d’entretiens accordés à des forums spécialisés, dont Krawall (14). En particulier, il a précisé que son point de vue global sur les joueurs n’avait pas changé (à savoir qu’ils étaient pacifiques dans leur ensemble), même s’il déplorait le fait que nombre d’entre eux soient hermétiques à « la critique ». Il a également déploré le fait que certains éditeurs refusaient tout entretien avec lui, ce qu’il trouve scandaleux en tant que journaliste et compte tenu de l’influence des produits de ces éditeurs sur la jeunesse. Enfin, il a réitéré son message, à savoir que ni les jeux vidéo, ni leurs pratiquants, n’ont besoin de violence barbare. Comme il l’a dit dans une des ses interviews à Krawall (ah, s’il avait été aussi clair et « diplomate » dans ses reportages !…) : « Les bons jeux ont besoin de bots intelligents, ils ont besoin de bonnes cartes, ils ont besoin d’un monde imaginatif, mais ils n’ont pas besoin de sadisme ».

Toutefois, la controverse est resté dans les mémoires, puisque d’une part elle a fait l’objet d’une étude sociologique (voir plus bas), et que d’autre part elle a été ranimée par la critique qu’en a fait Matthias Dittmayer. Cet étudiant en droit, fondateur du site Stigma-Videospiele, avait écrit à diverses chaînes ayant diffusé des reportages critiques sur les « jeux violents » afin de protester contre leurs erreurs et approximations. N’ayant pas obtenu de réponse, il a décidé de rassembler ses objections sur son site (15). ainsi que sur une vidéo postée sur YouTube, en allemand uniquement. Laquelle a eu tellement de succès (le nombre de visiteurs a récemment dépassé le million) que Claus Richter, le directeur de la rédaction de Frontal 21 s’est senti obligé de répliquer en réfutant point par point les objections de Dittmayer, sans convaincre complètement (16). De son côté, Fromm a également réagi en reprochant à son détracteur de ne pas tenir compte des études scientifiques sur les effets de la violence des jeux vidéo, et de verser dans les « approximations » et le « populisme » qu’il dénonce (17).

Aujourd’hui, la réputation de Rainer Fromm est bien (ou mal ?) établie. A défaut d’être le « Jack Thompson allemand », il n’est pas vraiment en odeur de sainteté parmi la « communauté des joueurs », et ce ne sont pas les reportages qu’il a fait par la suite (18), pas plus que ceux qui ont marché sur ses traces (19), qui ont contribué à améliorer la situation. Puisqu’on en parle, le documentaire qu’il a présenté à Munich est intitulé : « Computerspiele: Zwischen Faszination und Gewalt. Video- und Printdokumentation über die schleichende Militarisierung und Brutalisierung der Gesellschaft ». Littéralement : »Jeux vidéo : entre fascination et violence. Présentation vidéo – et imprimée – sur la militarisation et la brutalisation rampantes de la société ».

Le pire, dans cette histoire, c’est que les dangers qu’il dénonce sont bien réels, et que certaines de ses interrogations méritent d’être soulevées. Elles sont parfois similaires à celles formulées à l’intérieur même de la « communauté des joueurs ». On citera par exemple Joystick, qui avait protesté à plusieurs reprises contre le militarisme (20), le manque de créativité (21), le racolage stupide (22), ou tout simplement le sadisme (23), de certains jeux. Plus près de nous, le tome 1 des Cahiers du Jeu Vidéo (24) est entièrement consacré au rapport entre ce média et la guerre, se faisant il poursuit la réflexion de Tony Fortin, de Planetjeux, sur ce thème (25). A défaut de rallier les joueurs allemands à son point de vue, Fromm aurait probablement été capable de les faire réfléchir sur la question, moyennant un peu plus de tact. Mais à force d’en rajouter encore et encore, il est tombé dans tous les panneaux possibles. Il est passé pour ce qu’il n’était pas, il a même « donné naissance » à un style de reportage unilatéral et outrancier qui n’a fait qu’enfoncer le clou (même s’il n’apprécierait pas cette « paternité »), et finalement il a tellement braqué la « communauté » qu’il a rendu ses interrogations (aussi légitimes soient-elles) complètement inaudibles. Ce faisant, sa cause a peut-être régressé d’au moins 10 ans. Un véritable gâchis.

Werner Hopf et Rudolf Weiss

Voici deux psychologues, l’un à l’Université de Munich, l’autre à l’Université de Stuttgart. Avec Günther Huber (voir plus bas), ils ont fait parler d’eux cette année en publiant dans le Journal of Media Psychology une étude « longitudinale », donc démontrant des effets à long terme (26). Cette étude, basée sur des questionnaires envoyés sur deux ans à 653 collégiens de 12 à 14 ans, démontre selon ses auteurs que plus les élèves regardent de films d’horreur pendant leur enfance et jouent à des « jeux violents » au début de leur adolescence, plus il y a de risques pour qu’ils deviennent violents à l’âge de 14 ans. Par ailleurs, les films et les jeux « violents » encouragent le développement de sentiments tels que la haine, la colère et la vengeance, sentiments qui incitent ensuite à l’agressivité dans la vie réelle. Leur conclusion est qu’il faut prendre des mesures pour empêcher les enfants et les adolescents d’accéder à ces films et à ces jeux, en informant le public et en restreignant la vente de ces jeux pour que seuls les adultes puissent y avoir accès.

Cette étude a été présentée à Munich par Werner Hopf. De son côté, Rudolf Weiss a présenté une étude de l’Institut Hans Bredow de Hambourg qui montrait que le « grand public » n’est pas très calé sur la question de la violence des médias.

Günther Huber

Docteur en psychologie et en sciences politiques, professeur à l’Université de Tübingen, Günther Huber est co-auteur de l’étude longitudinale qui a été présentée par Werner Hopf. Mais surtout, il est l’auteur d’une étude qu’il a présenté à Munich sur la réaction massive des joueurs au reportage de Rainer Fromm diffusé par Frontal 21 en 2004. On peut consulter la version anglaise qu’il a préparée pour une conférence en Finlande au début de l’année, et dont j’avais déjà parlé. Cette étude consiste à analyser une partie des messages de protestations postés sur le forum de la chaîne ZDF, qui a diffusé le reportage de Fromm. Certains arguments récurrents ont été identifiés, qui se retrouvent effectivement dans nombreuses protestations de joueurs. Comme par exemple : « je joue à X depuis longtemps et ça ne fait pas de moi un criminel », ou « il n’y a pas d’étude qui fait état d’un lien entre la violence des jeux et celle du comportement »,  ou « pourquoi vous vous occupez de la violence des jeux, et pas de la violence à la télé ? », ou encore « c’est aux parents de surveiller ce que font leurs enfants ». Ces arguments récurrents sont ensuite analysés et parfois réfutés, puis un lien est établi entre la manière dont les joueurs de « killerspiele » voient leurs adversaires dans le jeu, et celle dont ils voient ceux qui critiquent leur passe-temps dans la réalité. Enfin, la dernière partie est un peu plus obscure parce qu’elle utilise un vocabulaire un peu abstrait, à base « de dialogue validant » ou de « validation communicative à des fins de consensus ». Pendant un temps, j’ai interprété cette dernière partie comme une incitation à ne pas dialoguer avec des joueurs (ou au moins les joueurs de « killerspiele »), sous prétexte que ce sont de vulgaires extrémistes.

J’ai donc écrit à Günther Huber pour lui demander quelques précisions, et en lui rappelant le contexte dans lequel le reportage de Rainer Fromm était diffusé, qui selon moi explique en partie l’ampleur et la virulence des joueurs à son encontre. A ma grande surprise, le Docteur Huber m’a répondu très gentiment. Il m’a expliqué que la dernière partie de sa présentation concernait la possibilité d’analyser le comportement des joueurs de « killerspiele », voire dialoguer avec eux, sur la seule base des messages de protestation qu’ils ont laissé. Selon lui, cette approche n’est pas la bonne pour bien les comprendre, et elle nécessite d’autres indicateurs. De plus, il était d’accord avec moi, d’une part sur la réduction abusive du jeu vidéo à son aspect « violent », d’autre part sur la généralisation abusive des « jeux violents » à l’ensemble des jeux vidéo. Son souci immédiat concerne plutôt le fait que de nombreux enfants ont accès très tôt à des jeux très violents qui ne devraient pas se trouver entre leurs mains (et sur ce point, je suis d’accord). Je compte bien sûr rester en contact avec lui, nous verrons ce qu’il en sortira.

C’est tout pour aujourd’hui !

Voilà pour l’instant. Vu le « calibre » des participants, je pense qu’on n’a pas fini d’entendre parler de cette conférence et de ce que ces messieurs se diront entre eux. Il est toutefois important que nous aussi nous en soyons informés. Affaire à suivre, donc…


  1. En fait, il s’agit de l’édition en langue française de l’hebdomadaire Zeit-Fragen (une édition en langue anglaise est également disponible sous le nom de Current Concerns). L’opinion de ce journal en ce qui concerne les jeux vidéo est sans équivoque : les « jeux violents », c’est le Mal avec un grand « M », tout comme « l’industrie du jeu vidéo » dans son ensemble. En témoignent les articles publiés sur la question : unilatéraux, agressifs, outranciers, pour ne pas dire hystériques. Il faut également signaler que Zeit-Fragen est membre du Réseau Voltaire. Il serait tentant de s’en servir pour discréditer ses contributions sur les jeux vidéo. Cependant, ce serait erroné : un bon nombre de ces contributions sont en fait des reproductions et des traductions d’articles parus dans d’autres endroits qui ne sont pas liés à ce Réseau.
  2. On pourrait toutefois en dire autant des conférences organisées par les chercheurs en « game studies » qui ne tarissent pas d’éloges sur les jeux vidéo. Il arrive cependant que des débats contradictoires aient lieu, comme par exemple celui qui s’est déroulé l’an dernier à la Game Conference 2007 de Leipzig entre Christian Pfeiffer (criminologue et homme politique allemand, partisan d’une interdiction des « jeux de tueurs ») et Vince Desiderio (fondateur de Running With Scissors, l’équipe de développement à qui l’on doit Postal²), à l’initiative du site spécialisé allemand Krawall. Lequel a fourni une transcription (en allemand) de ce débat.
  3. Je vous avais déjà parlés de la NIMF dans la première partie de l’article Quand le Berger est mou, le loup chie de la laine. Le moins qu’on puisse dire, c’est que les débuts de cette organisation de surveillance des médias n’étaient guère brillants, surtout avec cette stupide mise à l’index de Daggerfall. Cela dit, ils se sont largement rattrapés depuis, et son fondateur, le psychologue David Walsh, bien que très critique envers les « jeux violents », a toujours fait preuve d’ouverture d’esprit et de respect envers les joueurs, au point de les défendre publiquement. Il faut toutefois signaler que ces derniers temps, la NIMF a poussé l’ouverture d’esprit jusqu’à accepter un chèque de l’Entertainment Software Association, ce qui risquerait à terme d’endommager sa crédibilité.
  4. Craig Anderson, Douglas Gentile et Katherine Buckley, Violent Video Game Effects on Children and Adolescents : Theory, Research and Public Policy, Oxford University Press, 2007. Il va de soi que la lecture de ce livre est vivement recommandée. Il ne s’agit pas de prendre pour argent comptant tout ce qu’ils racontent, mais plutôt de savoir et de comprendre ce qu’ils racontent. Cela permet d’une part de dialoguer avec eux en connaissance de cause, d’autre part de pointer du doigt les vraies limites de leur discours, et enfin, avant tout, de faire la part des choses entre leurs recherches et la manière dont elles sont « interprétées » par diverses personnes peu scrupuleuses.
  5. Puisqu’on en parle, Fromm a animé en octobre dernier un débat sur la dangerosité du mouvement de Lyndon LaRouche, disponible en version anglaise intégrale sur le compte YouTube de « laroucheplanet ».
  6. Avant de continuer, je suis obligé de préciser que ce qui va suivre est souvent plus basé sur des impressions et des spéculations que sur du concret. Pour avoir un avis sur une œuvre quelle qu’elle soit, rien ne remplace l’expérience directe. Il vaut mieux avoir lu un livre ou vu une émission de télévision avant d’en parler. Je n’ai malheureusement pas eu cette chance dans le cas de Rainer Fromm, vu que je ne parle pas allemand, que son livre n’a pas été traduit, et que je n’ai pu dénicher aucun de ses reportages sous-titré dans une langue que je comprends. Les seules connaissances que j’ai pu emmagasiner sur cet homme et sur son oeuvre tiennent dans des entretiens avec des sites spécialisés allemands (dont j’ai compris ce que j’ai pu au moyen de GoogleTrad) ainsi qu’une page de réfutation des principales erreurs de son reportage (elle aussi en allemand) et une page en anglais sur le personnage. Il n’est donc pas exclu que mes « théories » sur lui et sur le malentendu qui l’oppose aux joueurs de son pays soient erronées.
  7. Rainer Fromm, « Digital Spielen – real morden ? Shooter, Clans und Fragger – Videospiele in der Jugendszene » (qu’on peut traduire par : « Jeux virtuels – meurtres réels ? Shooters, clans et fraggers – Les jeux vidéo à l’intérieur de la culture jeune »), Schüren Verlag, 2002.
  8. Il faut noter la ressemblance entre le titre de ce reportage et celui de l’article de Judith Crist, « Horror in the Nursery » (Collier’s, 27 mars 1948). Cet article est passé à la postérité comme la première intervention du Docteur Fredric Wertham contre les comic books. Coïncidence malheureuse, Wertham était un adversaire acharné, non seulement des crime comics et horror comics, mais aussi des comic books dans leur ensemble. En fait, comme le rappelle l’auteur et théoricien de bandes dessinées Harry Morgan, Wertham pensait« qu’on n’a pas à se demander si certains comics sont plus mauvais que d’autres, pas plus qu’on n’a à classer les œufs pourris en fonction du degré de gêne intestinale qu’ils occasionneront ».
  9. Christian Combaz, « Au-delà de l’écran », paragraphe intitulé « Musique de Casbah », Valeurs Actuelles, n° 3625, 19 mai 2006.
  10. On se souviendra du bon mot de Claude Sarraute en réaction à la mise en accusation de la violence à la télé suite au meurtre horrible du petit garçon de 3 ans Jamie Bulger : « La télé a bon dos ! Moi, les parents, je les tanne pour qu’ils obligent leurs gosses à la regarder, histoire de les arracher à cette saloperie de jeux vidéo » (Claude Sarraute, « Quelle histoire : Vidéo Drogue », Le Monde, 27 février 1993).
  11. Un exemple parmi tant d’autres : la couverture « légendaire » de France-Soir du 1er mars 2005, intitulée « Les jeux video peuvent-ils pousser à TUER ? » (les majuscules étaient sur la couverture). Tout un programme, là encore. Ce qui a valu à Erwan Cario, le « monsieur jeux » de Libération, de se demander sur son blog : « Lire France-Soir peut-il pousser à tuer ? »
  12. Un journaliste de Joypad (Keem, si mes souvenirs sont bons) avait raconté sur le forum de Gamekult la manière dont il s’était fait traiter sur le plateau de Paul Amar à la fin des années 90. Il avait rarement eu droit à la parole, et l’émission s’était conclue sur des vidéos de Carmaggedon. Plus récemment, Henry Jenkins, l’universitaire préféré des gamers, a raconté le « traquenard » dont il avait été victime pendant un talk-show de Phil Donahue. Voir : « Coming Up Next : Ambushed on Donahue » (en 3 parties) Salon, 20 août 2002. La transcription de l’émission se trouve sur le site de NBC.
  13. Puisqu’on parle d’impunité, la mémorable bavure des « 147 suicides à la silicone » n’a donné lieu à aucune sanction, ainsi que l’ont souligné les deux seuls journalistes généralistes à avoir couvert « l’affaire » dans la presse. D’un côté, Christian Combaz remarqué que « le correctif de France 2 (…) a duré quinze secondes. Tous les intéressés ont conservé non seulement leur poste mais l’estime générale. On comprend très bien pourquoi le service public n’aime pas la logique industrielle de ses concurrents ». (Christian Combaz, « Immunité Journalistique », Valeurs Actuelles n° 3556, 21 janvier 2005). De l’autre, Olivier Cyran fait remarquer que « la « profession dans son ensemble » survit très bien à ses boulettes. Elle est sortie intacte du RER D, elle digérera aussi les poches de silicone ». (Olivier Cyran, « La Farce et le Dindon », CQFD, n° 18, décembre 2004).
  14. Krawall a notamment interviewé Rainer Fromm en 2004, 2005 et 2006 (le tout exclusivement en allemand).
  15. La partie concernant Frontal 21 en particulier se trouve ici.
  16. Sur le sujet, voir (toujours en allemand) une analyse critique de la réponse de Claus Richter, là aussi point par point.
  17. Voir en particulier l’interview qu’il a donnée à Oliver Kahn le 4 décembre 2007 sur Jetzt.de.
  18. Notamment : « Gewalt ohne Grenzen » (« Violence sans frontières ») le 26 avril 2005, « Töten am Bildschirm » (« Tuer sur l’écran », voir la transcription en allemand et la réponse de Fromm aux critiques qui ont suivi) le 21 août 2007, et « Gefährliches Flimmern : Wenn virtuelle Gewalt real wird » (qu’on pourrait traduire par : « Liaison dangereuse : et si la violence virtuelle devenait réelle ») le 8 octobre 2008.
  19. En particulier, si vous comprenez l’anglais, vous pouvez aller voir ce reportage de 2007, qui est probablement l’un des pires et l’un des plus crapuleux que j’aie jamais vus sur les jeux vidéo. Lui aussi a fait l’objet d’un déluge de protestations, et d’une analyse critique de Matthias Dittmayer.
  20. Voir en particulier les éditoriaux de Cyrille Baron dans les numéros 107 (septembre 1999, page 20) et 109 (novembre 1999, page 22) de Joystick.
  21. Voir le dossier : « Clones tristes : Les moteurs de Quake, Unreal, LithTech, vont-ils tuer la créativité ? », Joystick, n° 114, avril 2000, pages 44-51. Voir aussi, et surtout, le dossier « Quand le réalisme tue la créativité », Joystick, n° 155, janvier 2004, pages 108-111.
  22. Voir l’encart « L’Argent Sale de Doom 2 » (aussi intitulé « Ça devient lourd ») en complément au test de Doom 2, Joystick, n° 53, octobre 1994, page 77. Voir également l’encart « On t’aime bien, t’es mignon, mais tu pues » en complément au test de Command & Conquer : Generals, Joystick, n° 145, février 2003, page 94.
  23. Voir en particulier : encart « Pas malin » en complément au test de Kingpin, Joystick, n° 104, mai 1999, page 159. Voir aussi la preview de Soldier of Fortune, Joystick, n° 107, septembre 1999, pages 152-154.
  24. Les Cahiers du Jeu Vidéo n° 1: « La Guerre », Editions Pix’n’Love, octobre 2008.
  25. Voir par exemple : Tony Fortin, « Guerres à la portée de tous », Le Monde Diplomatique, juillet 2007, page 7.
  26. Werner Hopf, Günther Huber et Rudolf Weiss, « Media Violence and Youth Violence : A 2-Year Longitudinal Study », Journal of Media Psychology, volume 20, numéro 3,  2008, pages 79-96. Voir aussi le résumé de l’article.
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est joueur depuis les années 80, et joueur passionné depuis 1990. Ouais, à peu près comme tout le monde ici, quoi. Sauf qu'en plus, il cause. Beaucoup. Mais alors beaucoup. C'est pas sain pour lui qu'il cause autant. Faudrait plutôt qu'il joue.
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8 commentaires »

  1. Merci (comme d’hab) pour ce moment de culture bienveillante autour de notre loisir.
    M. Fenton, je le considère un peu comme la conscience éveillée et non-paresseuse que je n’ai jamais eue sur le jeu vidéo. Les trucs auxquels je pense parfois en morceaux, emmêlés et sans jamais m’y concentrer plus de 5 secondes, ben je les retrouve là, dans ses articles limpides qui me font pousser des « mais ouais c’est exactement ça ! » tout seul devant mon 19″.

  2. Ce que tu me dis sur Günther Huber me rassure grandement sur sa capacité d’analyse critique, merci d’avoir pris la peine d’entrer directement en communication avec lui.

  3. Merci Shane!

    Cette question de la violence est d’autant plus sensible en Allemagne, avec leur restriction / interdiction des jeux vidéo ayant trait ou faisant référence à toute apologie guerrière.

    Je vais essayer d’avoir les actes, car si c’est international, il y a des chances que ce soit en anglais! Mais je constate encore la domination des psychologues sur ce terrain…

    Ce qui fait plaisir c’est quand ils font du terrain, ils se rendent compte que le cliché est un cliché… par contre faire des expériences en vase clôt est dangereux.

    Enfin, petite digression méthodologique, il faut s’intéresser non pas aux effets, mais pourquoi justement les JV ne rendent pas violents! Qu’est-ce qui fait qu’on ne passe pas à l’acte, ce qui « fonctionne » comme inhibiteur.

  4. Son souci immédiat concerne plutôt le fait que de nombreux enfants ont accès très tôt à des jeux très violents qui ne devraient pas se trouver entre leurs mains (et sur ce point, je suis d’accord).

    C’est le souci numéro 1 à l’heure actuelle: il est impératif que les jeux réservés aux plus de 18 ans le restent, et ne tombent pas entre les mains des plus jeunes. L’argument avancé par les vendeurs est qu’il est difficile de contrôler. Je n’arrive pas bien à comprendre en quoi un contrôle ne serait pas possible, puisqu’il en existe déjà un sur les revues ou films classés X par exemple.

  5. Le site allemand Golem a publié un compte-rendu plutôt complet (en 5 parties) de la conférence qui a eu lieu hier.

    En gros :

    – Douglas Gentile a critiqué le système de classification américain actuel (l’ESRB), mais en même temps il a appelé à dépasser l’idée simpliste selon laquelle les jeux vidéo sont soit bons, soit mauvais. Il s’est prononcé contre une interdiction des jeux les plus violents, et pour davantage d’éducation aux médias.

    – Werner Hopf a rejeté cette notion et s’est prononcé pour une interdiction (aux mineurs seulement, ou aussi aux adultes ? Le compte-rendu ne le dit pas). Il a même appelé à la suppression de l’USK, le système de classification allemand, pourtant l’un des plus stricts du monde, au prétexte qu’il est trop lié à l’industrie du jeu vidéo.

    – Des chercheurs du KFN, l’institut de criminologie dirigé par Christian Pfeiffer (l’un des plus virulents critiques des « killerspiele », bien voie les jeux vidéo en tant que tels d’un oeil plutôt favorable), ont eux aussi critiqué ce système de classification en disant qu’il était inefficace pour protéger les mineurs. En particulier, Regine Pfeiffer, la soeur de Christian Pfeiffer, a violemment attaqué Electronic Arts qu’elle a appelé une « compagnie de porcs ».

    – Rainer Fromm a été plus diplomate que d’habitude en rappelant au début de sa présentation que le jeu vidéo en lui-même était un hobby formidable, que l’e-Sports est un hobby sain, que lui-même joue régulièrement et que ses enfants sont fans des Sims. Ce qui lui a laissé les mains libres pour réitérer ses objections contre les jeux « violents » et militaristes (« c’est de la violence virtuelle qui rapporte de l’argent sale »).

    En revanche, le compte-rendu ne dit pas un mot sur la présentation de Günther Huber. Dommage.

    Cette conférence a eu visiblement du succès auprès des parents, et Joachim Hermann, Ministre de l’Intérieur Bavarois, s’est réjoui des résultats présentés, qui confirment sa position selon laquelle plus de jeux doivent être « indexés », c’est-à-dire interdits strictement aux mineurs. Dans le cas de GTA IV et du Parrain, il a également appelé à leur interdiction totale.

    J’apprends également par le biais d’un autre site allemand que Martin Lorber, chef des relations publiques à Electronic Arts Allemagne, a réagi aux insultes de Regine Pfeiffer, en rappelant qu’il avait proposé de venir débattre à la conférence, mais qu’il n’a pas reçu de réponse. Il a également dit qu’au vu des attaques de la soeur Pfeiffer, il est « heureux de ne pas avoir perdu son temps ». Il a également accusé les organisateurs de la conférence de « n’avoir aucun intérêt à discuter avec ceux qui produisent les jeux qu’ils critiquent », ce qu’il trouve « regrettable ».

    A suivre…

  6. Merci Shane, je pensais pas réussir a tout lire vu que le sujet est dur a interpréter mais sérieusement, déja que les articles ici sont réellement de qualité, tu explique très bien, et sans complication pour le lecteur lambda, la situation présente.

    Voulant devenir psychologue justement, gamer depuis la GBC [et suivant l’univers nintendo en console personnelle mais j’ai beaucoup d’amis avec des consoles différentes me permettant de jouer aux jeux des différentes ludotèques] et pourtant plutôt axé dans un monde plutôt violent vu que je fréquente des pessimistes, amis des animaux souvent peu amical envers les chasseurs, déja vu un snuff movie par mégarde [Ce que je ne souhaite a personne…] et fréquentant cette toile dangereuse et fantasmant qu’est le porn de maintenant, je dois dire que ça me plait beaucoup de pensé sur justement, la protection des enfants face a cet univers qui nous semblent pourtant si commun.

    Tu donne l’alarme a une partie des joueurs hypocrite qui voient dans les critiques forcément des imbéciles alors que leurs motivations, ainsi qu’expérience, sont généralement honorable [Passons sur les associations sectaires…]

    Le fait est que nous sommes tous différents, et auront tous un avenir différent, un mec qui joue a des jeux violent tel matmunt [Si je ne me trompe pas de nom] ne deviendra pas forcément violent, au contraire, un enfant instable jouant a des jeux simples, cela ne l’empéchera pas d’avoir des possibilités d’avenir obscur. Le jeux videos est un loisir, art et média tel le cinéma et cie, certains films que des enfants peuvent voirs tel Jame bond n’est pas vraiment pour eux, il y a même un mythe dérrière qui peut le désorienter, mais pourtant, ça en deviendra pas des machos viril. J’ai toujours pensé qu’il fallait nuancer la ‘manipulation’ sur l’être, un enfant est sens défense car il n’a encore de conscience morale, mais des garçon de 14 sont parfois matures, trop surement pour leurs ages où il devrait encore avoir de l’insouciance. La communauté des JV devraient grandir, ils créent eux mêmes la haine, regardons les conflits minables entre partisans de tel ou tel console, propos dégradant, cliché, cynisme [Qui plus est, d’un niveau pathétique, rien que sur Gamekult] et égocentrisme les fonts, le net est aussi un média dangereux qui fait rendre certains totalement mégalomane, se croyant limite invincible car ils ont enfin la parole comme arme et peuvent fuir la réalité violente et mentale du monde. [Exemple, Ebichuman sur Gamekult ne fera guère le malin dans une rencontre réel, sur le net, disons le, il est un véritable fléau inobjectif.]

    De plus, cela nuit a tout le monde, aux détracteurs qui se rendent dans une situation mauvaise, et aux autres qui se voient ‘agréssé’ dans leurs gouts. Mauvaise socialisation, et en prime, cela n’est pas du aux JV car ils n’ont rien fait pour, rien que cela montre déja les dangers d’un loisirs, et cela va aussi avec la musique ou l’art.

    Le fait de jouer aux JV n’est donc pas un facteur plus important qu’un autre, mais il en reste un, c’est cela qu’il faut prendre en compte, certains jeux doivent être encadrés, et les vendeurs devraient stopper l’hypocrisie, comme dit plus haut, dans un sex shop, on te demande la carte d’identité, de même ici. Mais le jeu video en lui même ne rendra pas plus violent, au contraire, il peut socialiser, donner confiance a un individu et même l’aider [Soyons franc, combien même cela est du casual pompe a fric pour nous, gamers, pour des enfants, c’est tout a fait éducatif] mais cela va avec juste une surveillance des parents. Aussi arbitraire que cela puisse paraitre, un parent doit être ferme sans devenir avant gardiste sur le JV, donner des horaires a un enfant jeune, essayer de se renseigner sur sa communauté de JV [Car une communauté prétentieuse ou agressive sera nocive pour lui] essayer de voir si il peut apprécier d’autre chose que le JV sans le force, avec des méthodes douces mais simples, on peut obtenir de grand résultat.

    Je suis encore jeune [17 ans] et moins d’expérience que vous, mais je reste optimiste. De plus, en temps que futur (enfin j’espère) psycologue, j’aimerais apporter quelque chose pour aider le jeux videos, l’industrie. Mais par contre, je conjure de prendre garde aux personnalités sur le net et aux communautés. Tellement de personnes passent pour autre chose sur un forum, tel un gars bien ou cultivé, et un autre un connard, alors que rencontrer réellement changerait la donne.

    La communauté serait plus a encadrer que le média lui même, qui doit juste voir les jeux violents controlés, et voir certains stéréotypes brisés [Notamment les jeux de guerre, et si justement on arrétait le patriotisme et qu’on mettait un soldat qui en a marre de la guerre] et le sadisme atténué [Le sentiment de toute puissance reste un fantasme assouvie et non nocif normalement, mais je ne pense pas que ce soit forcément sain]

    De toute façon, le sujet du JV est vraiment trop large a traité.

    Ps: A quand un article sur quelque jeux innovants/ovni type Killer 7? De même, j’ai une idée de question un peu stupide mais il faudrait traiter de l’idéalisation (imbécile?) donner par l’univers du JV. Tel les persos de KH, bateau comme non permis, ou bien la légitimité du peuple laguz dans les deux derniers FE dans le conflit de discrimination [N’est ce point énervant de voir toujours le peuple différent du peuple humanoide de faire bonne figure?]

    Excellent article, hâte de lire la suite^^ Et en espérant avoir été un peu intéressant dans le commentaire.

  7. Exemple, Ebichuman sur Gamekult ne fera guère le malin dans une rencontre réel, sur le net, disons le, il est un véritable fléau inobjectif

    Ebichuman est ce que l’on appelle un troll, et s’amuse beaucoup en observant les réactions offusquées que ses messages provoquent. Si ses messages t’énervent, le plus efficace est de passer ton chemin, et de ne pas y répondre.

    A quand un article sur quelque jeux innovants/ovni type Killer 7?

    Il est sur ma (très longue) liste de jeux à tester. De même que Shadow of the Colossus (auquel je suis en train de jouer), We love Katamari ou encore Okami.

  8. Aux dernières nouvelles, la conférence a commencé à faire le tour des sites spécialisés allemands. Tous se basent sur le compte-rendu de Golem.de et ont tiqué sur les mêmes points, à savoir que Regine Pfeiffer a qualifié Electronic Arts de « Schweinefirma » (« compagnie de porcs »), et que Werner Hopf a demandé à la fois l’interdiction des jeux les plus « violents » et la suppression de l’organisme de classification allemand USK (au motif qu’il est « trop proche de l’industrie »).

    La presse généraliste semble plus discrète pour l’instant. En tout cas, je ne suis tombé que sur un seul article, celui du Sueddeutsche Zeitung, qui met davantage l’accent sur les études qui ont été présentées, notamment celles qui établissent une forte corrélation entre la consommation de jeux violents et l’augmentation de l’agressivité (notez qu’ils ont choisi d’illustrer leur article par un screenshot de… Tekken !).

    Edit : Je viens de me renseigner un petit peu à propos de Regine Pfeiffer. Un drôle d’oiseau, celle-là… D’un côté, elle a assez de courage pour défendre ses positions sur les forums spécialisés, ainsi que sur le forum de Panorama (le JT allemand qui avait fait le reportage crapuleux et diffamatoire que j’ai mentionné à la note 19), massivement investi par les joueurs en colère. D’un autre côté, Gunnar Lott, éditorialiste au magazine GameStar, a raconté sur son blog sa rencontre avec cette auto-proclamée « spécialiste des jeux vidéo », et il n’en a pas gardé un bon souvenir, surtout après qu’elle l’ait traité… de « first-person shooter » ! (en fait, elle l’a traité « d’ego-shooter », ce qui est le terme allemand pour les FPS)

    En tout cas, compte tenu de sa détestation d’Electronic Arts et de ses prises de position « tranchées », elle me paraît tout à fait capable d’avoir réellement taxé EA de « Schweinefirma ».

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