On jouait déjà avant ta naissance, donc on a raison

Devoir de (fin de) vacances

Par • le 28/8/2008 • Vite dit

Parmi tous les articles en cours de préparation, un qui me tient à cœur est le préjudice causé au jeu vidéo par sa propre industrie. Faute de temps, cet article a été repoussé comme les autres aux calendes grecques. Cela dit, après avoir lu l’excellent livre de Thierry Groensteen, Un objet culturel non identifié (Editions de l’An 2, 2006) consacré à la bande dessinée, j’ai eu l’idée de vous soumettre un petit jeu afin de vous faire patienter, sous la forme d’un devoir de vacances (le mois d’août n’étant pas fini, on a encore le temps).

Dans ce livre (dont des passages entiers pourraient être réutilisés, presque mot pour mot, dans une discussion concernant le jeu vidéo), Thierry Groensteen consacre un chapitre à « la trahison des éditeurs », où il affirme que « la bande dessinée est profondément malade de son industrie ». Selon lui,« on entend quelquefois les PDG des grandes maisons d’édition se plaindre d’un manque de considération pour la bande dessinée. Ils ne semblent pas réaliser qu’ils sont, en vérité, les complices actifs de ce déficit. (…) Partout prévaut une politique à courte vue où la recherche du profit maximal immédiat fait systématiquement écran et obstacle à tout ce qui pourrait aller dans le sens de l’intégrité artistique, de la valorisation du potentiel de la bande dessinée comme mode d’expression d’une dignité égale aux autres, de la conquête du public qui lui demeure réfractaire, du redressement de son image enfin ».

Et d’énumérer les 8 reproches majeurs qu’on peut adresser à ces « grands éditeurs » (chacun de ces reproches faisant l’objet d’une section du chapitre) :

1. Le principe de série : « En privilégiant à outrance le phénomène de la série, les éditeurs enferment la quasi-totalité de la bande dessinée dans le carcan de la littérature industrielle ».

2. Le système des genres : « En structurant leur catalogue par genres, hérités de la littérature populaire (western, polar, science-fiction, aventure historique…), les éditeurs se positionnent sur le seul terrain du divertissement, condamnent la bande dessinée à la répétition et au stéréotype, en même temps qu’ils lui font tourner le dos au monde contemporain, à la société, au réel ».

3. L’indifférenciation des livres : « En entretenant un format et une présentation standard pour la quasi-totalité des albums, quels que soient leur contenu et le lectorat auquel ils s’adressent, les éditeurs entretiennent une confusion qui, surtout dans le contexte d’une production devenue pléthorique, prive le lecteur néophyte des repères dont il aurait besoin pour informer ses choix ».

4. L’interchangeabilité des producteurs : « En favorisant l’interchangeabilité des auteurs, les éditeurs montrent le peu de cas qu’ils font de la personnalité créatrice, de l’irréductibilité d’un talent – sans compte qu’ils privent au passage, quand c’est possible, l’auteur de ses droits légitimes de propriété et de contrôle sur le produit de son travail ».

5. Un art sans mémoire : « En ne montrant aucun souci de la transmission du riche patrimoine accumulé par la bande dessinée depuis plus d’un siècle et en rendant inaccessibles un grand nombre de « classiques » du neuvième art, les éditeurs fabriquent un public et des générations de créateurs amnésiques, tout en sabotant toute possibilité de fonder un procès en légitimation culturelle sur le corpus ad hoc« .

6. Un imaginaire sexué : « En encourageant la perpétuation d’un imaginaire dominé par les fantasmes typiques de l’adolescent mâle, les éditeurs tiennent la bande dessinée éloignée des femmes (…) et plus largement les lecteurs qui ont en partage une sensibilité moins confinée ».

7. La fan attitude : « En satisfaisant, par toute une gamme de produits (tirages limités, ex libris, etc.) et de stratégies commerciales, [le désir compulsif du collectionneur et celui, fétichiste, du fan] les éditeurs contribuent à l’infantilisation du public et à son enfermement dans un ghetto d’initiés ».

8. La dérive des produits : « En multipliant les produits dérivés de toute nature (papeterie, jouets, figurines, textile, vaisselle, mais aussi films, séries d’animation, novélisations), les éditeurs diluent l’authenticité des œuvres dans l’océan du merchandising, sans aucun discernement quant aux effets en retour que la notoriété diffuse ainsi gagnée peut produire sur la perception des œuvres originales ».

Vous montrerez, en développant votre argumentation à l’aide d’exemples soigneusement choisis, en quoi ces griefs peuvent être également adressés, en partie ou en totalité, aux principaux éditeurs de jeux vidéo. Si vous estimez qu’il y a d’autres reproches à leur faire, vous les rajouterez, là encore en les illustrant au moyen d’exemples.

Ramassage des copies… quand vous aurez le temps de les remettre. Comme moi, quoi !

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est joueur depuis les années 80, et joueur passionné depuis 1990. Ouais, à peu près comme tout le monde ici, quoi. Sauf qu'en plus, il cause. Beaucoup. Mais alors beaucoup. C'est pas sain pour lui qu'il cause autant. Faudrait plutôt qu'il joue.
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