On jouait déjà avant ta naissance, donc on a raison

Le plaisir, envers et contre la raison

Par • le 6/2/2015 • Entre nous

Mon Assassin’s Creed préféré est l’épisode Brotherhood.

Curieusement, c’est aussi l’un des seuls de la série canonique sur lequel j’avais oublié d’écrire après l’avoir fini – pour le IV je n’ai pas oublié, juste eu la flemme pour l’instant. C’est mon épisode préféré parce qu’il avait réussi à sublimer Assassin’s Creed II, lequel était déjà l’essai transformé après le brouillon premier épisode. À vrai dire, mes inquiétudes étaient grandes avant de m’y essayer, notamment parce que Brotherhood fut le premier épisode de la série à ne plus proposer qu’une ville. Mais quelle ville… Rome était grouillante de vie, gigantesque par rapport aux cités des précédents opus qui du coup faisaient presque penser à des bourgades de campagne. J’ai aimé m’y perdre, adoré son ambiance – je joue, quand c’est possible, aux Assassin’s Creed dans la langue du décor, j’ai donc fait cet épisode en italien – et le petit truc en plus qui me fait préférer cet épisode au II, c’est la fraternité clanique des Hashashin, cette petite fonctionnalité qui d’une simple pression sur un bouton de tranche envoie plusieurs combattants fondre silencieusement sur vos proies. Cette sensation de puissance irrésistible, accrue par l’idée qu’où que l’on soit, plusieurs fidèles sont à l’affut, tapis dans l’ombre, prêts à agir sur ordre de leur chef. De bête traquée (tout le metagame) le joueur devient un véritable prédateur, déjà surpuissant en solo, terrifiant en chef de meute.

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Lorsqu’Assassin’s Creed : Unity est sorti il s’est fait crucifier par les joueurs (surtout) et la presse (un peu). À raison : pétri de bugs, rempli de mauvaises idées (je reviendrai dessus), manifestement rushé pour sortir à Noël. La faute en incombe bien sûr largement plus au management d’Ubisoft qu’aux développeurs, testeurs ; la licence est incontestablement établie et solide, et certes une sortie après Noël aurait été un sale coup sur les ventes, mais tellement bénéfique en termes d’image. Le rétro pédalage avec DLC offert en cadeau n’efface pas des centaines de screenshots, même si ce bug hilarant a été corrigé depuis – à mon grand dam, j’avoue que l’avoir m’aurait bien fait rire.

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J’ai déjà écrit il y a quelques années sur le plaisir que l’on peut tirer d’œuvres imparfaites lorsqu’elles dégagent une ambiance, un charme, un ressenti, qu’elles ont le petit truc en plus qui fait chavirer, quand d’autres formellement parfaites laissent totalement de marbre. Pourtant l’épisode majeur le plus mal noté de la série sur Metacritic, Assassin’s Creed : Unity est mon dernier coup de cœur, mon épisode préféré, et de loin, depuis Brotherhood. Enfant hybride monstrueux d’un marketing dément, d’un management tyrannique, et d’une équipe créative poussée à bout, il propose le terrain de jeux le plus excitant que j’aie pu voir depuis la Rome antique. Ce Paris est extraordinaire, il grouille de vie, il se bouscule, il fume, il suinte, il pue, il brûle, il saigne, et quel bonheur de sauter d’un cordage improbable à une fenêtre ouverte, de cheminée en façade, de gravir ces d’églises et ces tours toutes immédiatement reconnaissables. Quel plaisir d’arpenter les toits avec la fluidité apportée par le nouveau systéme de parkour, certes toujours perfectible mais tellement plus efficace. Se promener dans les rues est de nouveau un bonheur, certaines scènes un décrochage de machoire tant le moteur a été amélioré.

Oui, l’optimisation et la finition du jeu (notamment sur PC, où j’enchaîne les plantages même après moult patches) est toujours une honte, quel gâchis lorsque l’on voit le boulot des artistes.
Oui, les coffres jaunes et bleus sont des idées abominables, probablement une invention du marketing pour pousser à l’installation de la companion app et aux microtransactions ingame.
Rien que ces deux éléments suffisent à justifier l’avalanche de critiques que le titre s’est pris de plein fouet.

Mais le plaisir est là. Les missions coop sont extraordinaires de jouissance, je retrouve cette sensation unique de « chef de meute » ressentie dans Brotherhood, à ceci près que les autres assassins ne sont cette fois plus mes subalternes, mais mes égaux, que nous semons le désordre dans les rues de Paris, que nos adversaires nous craignent, que nous suivons un crédo, que nous sommes un clan, craint et respecté. Même après avoir fini le solo, je sais que je vais continuer à jouer en coop pour ressentir ce plaisir si particulier qu’aucun autre jeu de la licence ne m’a jusqu’ici offert, et que peu d’autres jeux pourront m’offrir. C’est pour celà que je remercie Ubisoft, pour avoir sorti à mes yeux le meilleur épisode de la série depuis Brotherhood. Et dans le même temps, que je leur en veux terriblement pour avoir objectivement sorti le pire épisode de la série depuis le III.

est joueur depuis 1985. Multiplateformes, multigenres, souvent exigeant, parfois tatillon, mais jamais blasé.
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