Dave Grossman : Tel est pris qui croyait prendre
Par Shane Fenton • le 30/12/2016 • Entre nous •Si Jack Thompson a été, pendant des années, l’adversaire le plus connu et le plus redoutable de la violence vidéoludique, c’est le Lieutenant-Colonel David « Dave » Grossman (à ne pas confondre avec le game designer homonyme, ancien de LucasArts et de Telltale) qui mérite le titre du critique le plus influent. Pour commencer, c’est lui qui, en 1998, a introduit son ami Thompson dans le débat sur les jeux « violents », alors que ce dernier ne se préoccupait jusque-là que de la mauvaise influence du rap. Ensuite, en tant qu’avocat, notre bon ami Jack a certes rédigé des projets de loi et mené des actions en justice contre les éditeurs de jeux vidéo (sans parler de ses nombreuses apparitions médiatiques et de sa relation d’amour-haine avec les joueurs), mais ce n’était pas un théoricien. Grossman, si. C’est à lui qu’on doit le concept de « simulateur de meurtre » à propos des jeux « violents ». Sa théorie se résume comme suit : « on a besoin de trois facteurs pour tuer : l’arme, la compétence technique et la volonté. Sur les trois, les jeux vidéo [violents] en fournissent deux – les deux derniers. Les armes, quant à elles, sont là depuis très longtemps. »
Plus précisément, pendant que les détracteurs « habituels » de la violence dans les médias prétendent qu’elle influe sur la violence du comportement (surtout chez les enfants et les adolescents), Dave Grossman va plus loin en affirmant qu’elle ne rend pas simplement agressif : elle apprend carrément à tuer, en conditionnant au meurtre de la même manière que l’armée américaine conditionne ses soldats. En particulier, selon lui, les jeux « violents », non contents de désensibiliser leurs utilisateurs à la violence et de leur inculquer le plaisir de tuer, les entraîne à pratiquer cette violence avec précision et efficacité. Ce sont donc, littéralement, des simulateurs de tuerie, et en tant que tels, ils ne relèvent pas du Premier Amendement de la Constitution Américaine sur la liberté d’expression, mais du Second Amendement, celui sur le port d’armes.
Cette théorie a eu une influence considérable et décisive sur la critique de la violence vidéoludique. Elle a offert une grille de lecture prête à l’emploi depuis les tueries de Jonesboro (1998) et Columbine (1999) jusqu’à celles de Sandy Hook (2012) et d’Isla Vista (2014), permettant d’expliquer, non seulement pourquoi autant d’adolescents et de jeunes adultes en arrivent à perpétrer de tels massacres, mais aussi comment ils réussissent à planifier ces massacres avec une telle ingéniosité. Pendant des années, à chaque fois qu’il a fallu citer un expert, un spécialiste, une caution, une référence incontestable, dépassant les clivages politiques, sur le danger de la violence des médias, c’est le nom de Dave Grossman qui est arrivé en tête de liste. Son livre Stop Teaching Our Kids To Kill (co-écrit avec Gloria DeGaetano), traduit dans plusieurs langues, est devenu le livre de chevet des « activistes anti-violence » dans le monde entier. Et à force de se propager, ses thèses ont fini par être réutilisées et réinterprétées au service du complotisme le plus farfelu. Par exemple, de nombreux détracteurs de la violence vidéoludique, utilisant sa théorie comme caution, ont cru pouvoir affirmer que les jeux « violents » étaient à l’origine une création de l’armée américaine, qui les aurait conçus dans le but de transformer ses soldats en machines à tuer.
Lors du lancement de Doom3, les médias nord-américains ont répété que Doom1 avait été lancé en 1994. C’est vrai, Doom3 célébrait un 10ème anniversaire de vie publique. On ne nous dit pas que le jeu existait déjà depuis une décennie, pour le bénéfice exclusif de l’armée des Etats-Unis. On l’y utilisait pour conditionner des jeunes de 18-19 ans à tuer sans hésiter, sans réfléchir. Pour toutes les armées du monde, conditionner des humains à tuer leurs semblables représente tout un défi. Jusqu’à la création de Doom, les performances les plus hautes atteignaient un triste 50%. Avec Doom, on a réussi à atteindre les 90%. Pas dangereux les jeux vidéo ?(Source)
Dans les années 90, les simulateurs de meurtre, qui étaient utilisés par l’armée américaine et la police pour la formation en combat rapproché, ont été mis en vente sur le marché par le Pentagone à des fins d’utilisation privée générale. L’industrie du jeu informatique, qui a coopéré étroitement avec le Pentagone dès le début, a connu après cela son essor. (Source)
En novembre 2016, Dave Grossman a publié son tout dernier essai, Assassination Generation : Video Games, Aggression and the Psychology of Killing (avec la collaboration de Kristine Paulsen et Katie Miserany). Ce livre contient l’aboutissement de sa théorie et de ses critiques contre la violence vidéoludique. Concrètement, elles n’ont pas changé d’un iota depuis la fin des années 1990, et elles n’ont pas baissé en virulence ni en intensité. On pourrait même dire, selon la formule de Talleyrand, que Grossman n’a « rien appris, rien oublié ».
Il y aurait beaucoup à dire sur ce livre, mais pour l’instant on se contentera de noter l’évolution entre son premier essai, On Killing : The Psychological Cost of Learning to Kill in War and Society, paru vingt ans plus tôt, Stop Teaching Our Kids To Kill publié suite à la tuerie de Columbine en 1999, et Assassination Generation. En effet, On Killing est un ouvrage académique, au ton mesuré, modéré, malgré ses craintes sur les effets de la violence des médias. Et sur le petit segment de deux pages et demie où il se penche sur les jeux vidéo, il consacre une page à faire leur éloge. C’est fort surprenant quand on connaît sa relation ultérieure avec le loisir, mais il précise bien qu’il ne l’attaque pas en lui-même, il se montre enthousiaste sur ses possibilités, et il va même jusqu’à affirmer que « les jeux vidéo sont sans aucun doute préférables à la plupart des programmes télé » (en VO, « video games are definitely preferable to most television », page 315 de l’édition originale du livre, page 319 de la nouvelle édition datée de 2009). Changement radical de ton dans Stop Teaching Our Kids to Kill, qui est un pamphlet instruisant le procès des médias « violents » et des industries qui les produisent. Cette fois, quand on parle de jeux vidéo, il n’est question que de leur portion « violente », mais le loisir lui-même est considéré avec beaucoup de suspicion (tout au plus, on reconnaît que « certains d’entre eux sont excellents »), et son industrie toute entière est frappée du sceau de l’infamie. Assassination Generation a conservé le ton pamphlétaire, outrancier et vindicatif qui est la marque de fabrique de son auteur. Mais cette fois, l’unique cible, c’est le jeu vidéo. Fini les attaques contre la violence des médias en général, ça ne sert visiblement plus à rien (surtout à l’époque de Game of Thrones), on va se concentrer sur le « maillon faible ». Fini les concessions sur le loisir qui peut renfermer des choses intéressantes, on va se focaliser uniquement sur le pire du pire. Et on va le relier au forceps avec le pire du pire de la violence criminelle, sur la base de phrases choc et d’exemples racoleurs. La prudence, la nuance, le discernement, tout ça peut aller se faire voir, on n’a plus le temps.
C’est en tout cas ce qui ressort du livre, des articles promotionnels que Dave Grossman a lui-même écrits dans la foulée, et de la couverture élogieuse de Fox News et du bulletin de la NRA (National Rifle Association), lobby américain des armes à feu, pour lequel Grossman donne de nombreuses conférences. Car en plus d’être un fervent partisan du Second Amendement, il fait le commerce de modifications d’armes de poing et d’armes à feu sur l’un de ses sites internet (en collaboration avec son fils Jon).
Mais il y a une autre raison pour laquelle Dave Grossman a fait parler de lui en 2016. Et on peut comprendre qu’il ne veuille pas s’en vanter, pas plus que ceux qui utilisent son nom comme caution contre les jeux « violents ».
En effet, bien qu’il se soit fait connaître du grand public grâce à ses théories sur (et contre) la violence des médias, notre Lieutenant-Colonel en retraite est d’abord et avant tout l’un des principaux instructeurs des forces de police des Etats-Unis. Ses théories sur la « killology » (ou « psychologie de l’acte de tuer »), et la « science du guerrier » lui ont apporté une renommée et une influence considérable au sein de l’armée, de la police et des services secrets. Son livre On Killing est recommandé à l’Académie du FBI et fait partie du programme de plusieurs écoles policières et militaires, dont la prestigieuse West Point. Il parcourt le pays d’un point à l’autre 300 jours par an pour dispenser ses formations et seminaires, avec un succès sans cesse renouvelé. Surtout ses « sheepdog seminars » et « bulletproof warrior seminars », basés sur sa conviction selon laquelle le monde se divise en trois catégories : les moutons qui constituent l’essentiel de la société civile, les loups que sont les terroristes et les criminels, et enfin les chiens de berger (« sheepdogs ») que la police et l’armée doivent s’évertuer à être, afin d’empêcher les loups de dévorer les moutons. En particulier, les chiens de berger doivent se considérer en état de guerre et avoir en permanence un état d’esprit guerrier à l’épreuve des balles (« bulletproof warrior mindset »), afin de pouvoir recourir à la violence sans hésiter.
Cet enseignement, qui exhorte les policiers à se comporter comme une armée d’occupation d’un pays en guerre, a beaucoup heurté Craig Atkinson. Ce dernier, réalisateur de documentaires et lui-même fils de policier (son père a été officier et membre des SWAT), a constaté au fil des ans une militarisation croissante des « gardiens de la paix », que ce soit dans leur équipement, dans leur mentalité ou dans les nombreux scandales qui ont terni leur image, tels que l’Affaire Michael Brown, ou l’Affaire Trayvon Martin, ou encore l’Affaire Philando Castile. Atkinson a donc décidé de mener l’enquête, pour voir comment on avait pu en arriver là. Il en a tiré un documentaire plusieurs fois primé, Do Not Resist, qui décortique cette militarisation de la police américaine, ses différents aspects, et ses principaux agents.
Le documentaire, que j’ai pu voir, fait froid dans le dos. On y montre comment des petites bourgades sans histoires déboursent des centaines de milliers de dollars d’argent public pour investir dans des véhicules blindés qui ont servi en Irak ou en Afghanistan, juste au cas où… On y montre des perquisitions des SWAT, menées chez des individus lambdas qui voient une escouade de Robocops surgir sans crier gare, mettre leurs maisons sens dessus dessous, et même arrêter certains d’entre eux juste au cas où… tout ça pour des clopinettes. On y montre l’utilisation croissante de technologies et de procédés faisant penser, soit à 1984 (la même surveillance aérienne ultra-sophistiquée que celle qui était pratiquée à Falloujah pendant la guerre en Irak, implémentée par les mêmes personnes), soit à Minority Report (les fichiers capables de prédire les tendances criminelles des individus à plus ou moins long terme… ou avant même qu’ils ne soient nés), soit à Terminator (les drones qui sont, pour l’instant, pilotés par des êtres humains, avant que les ordinateurs ne prennent le relais dans un futur proche). Avec cette question lancinante : qui va prendre le contrôle de tout ça ? Entre les mains de qui cette débauche d’outils militaires et technologiques va-t-elle tomber ?
Et à côté de ça, le film nous montre des extraits accablants d’une conférence de Dave Grossman, considéré par Atkinson comme l’un des principaux responsables de cette militarisation de la police, puisqu’il en est l’instructeur numéro 1.
Le policier est l’homme de la cité. Déjà entendu parler du pionnier ? Plus personne ne parle des pionniers. Mais on parle toujours des policiers. Vous êtes pour votre ville, votre comté, votre état, ce que le pionnier était pour la frontière. Vous combattez la violence. Avec quoi vous la combattez ? Avec de la violence supérieure. De la violence légitime. Eh oui. La violence est votre outil. La violence est votre ennemi. La violence est le royaume dans lequel vous opérez. Vous êtes des hommes et des femmes de violence. Vous devez la maîtriser, ou elle vous détruira. Eh oui.
J’ai été sur la route pendant 18 ans. Les gens me connaissent. Ils me font confiance. J’ai une tonne d’informations. Je pose des questions que d’autres ne posent pas. Le flic dit: « Je le mets à terre, je le traîne, je le menotte et je l’embarque. Pour finir je rentre chez moi à la fin du service », eeeeeet ?… Le flic dit: « Pan ! pan ! les méchants sont à terre. Je suis en vie ! Pour finir je rentre chez moi à la fin de l’incident », eeeeeet ?… « La meilleure partie de jambes en l’air que j’aie eue depuis des mois ». Les deux partenaires s’investissent à fond dans un rapport sexuel très intense. Il n’y a pas beaucoup d’avantages dans ce métier. Quand vous en trouvez un, relaxez-vous et profitez-en.
Quelqu’un dans la salle est venu depuis une prison ou un pénitencier ? Parce que je vous honore, je vous témoigne publiquement ma reconnaissance. Vous avez croisé le regard de gens terrifiants chaque jour, et vous savez que le monde est devenu meilleur parce qu’ils sont derrière les barreaux, n’est-ce pas ? Alors faites ceci : sur la route du retour cette nuit, garez votre véhicule sur le passage rien qu’une minute. Sortez de votre véhicule rien qu’une minute. Regardez votre ville. Regardez vos citoyens faire leur vie, et soyez sûrs au plus profond de vos tripes qu’aujourd’hui, au péril de votre vie, vous avez rendu leur monde meilleur, qu’ils le sachent ou non. Puis marchez jusqu’à la balustrade du pont. Posez vos mains sur la balustrade. Regardez votre ville, et laissez votre cape onduler sous le vent. (Dave Grossman, extrait de Do Not Resist)
Il se trouve par ailleurs que le policier qui a abattu Philando Castile de 6 coups de feu tirés « par réflexe » (alors que ce dernier cherchait son portefeuille) avait assisté à l’un des « bulletproof seminars » organisés par Grossman et ses associés. Pour cette raison, l’idéologie guerrière enseignée dans ces séminaires a été remise en question, et l’un d’entre eux, qui devait se tenir lieu en août dans la ville de Santa Clara a été annulé par le Shérif local, au motif qu’on y apprend aux policiers « à être paranoïaques, et à imaginer que tout le monde autour d’eux veut leur peau ». Craig Atkinson, quant à lui, pense effectivement que Grossman a sa part de responsabilité dans la multiplication de ce genre d’affaires.
[Ce genre de discours] envoie un message aux policiers comme quoi c’est jouissif de faire usage de la force létale. Quelque chose qui pourrait en fait procurer du plaisir. C’est toute cette mentalité, cette idée de prendre le contrôle de la cité, qui remplace l’idée de partenariat, l’idée de protéger et de servir la cité. Si un jeune bleu dans une école de police, âgé de 21 ou 22 ans, reçoit ce type de message, je pense que ça va avoir une influence. (Craig Atkinson, source)
[Cette idéologie] incite les policiers à voir les citoyens comme des combattants ennemis. Ce n’est pas étonnant quand on regarde la bio de Grossman et le fait qu’il ait passé 25 ans dans l’armée à aider celle-ci à augmenter son taux d’ennemis tués.
Quand vous prenez ce modèle, qui était conçu pour les guerres à l’extérieur, et que vous l’appliquez au travail de police domestique (et Grossman a enseigné cette philosophie pendant 18 ans dans les départements de police), cette idée selon laquelle on tire d’abord et qu’on pose les questions ensuite, tout ça conduit à des situations comme la mort de Philando Castile en juillet dernier dans le Minnesota.
Il y a 63 millions d’interactions entre la police et les citoyens chaque année aux Etats-Unis, et si on applique ce genre de mentalité à ces 63 millions d’interactions (beaucoup d’entre elles sont de simples contrôles routiers, des situations qui nécessitent une approche de désescalade), cela met les policiers dans un état d’anxiété élevé en permanence. Ils pensent qu’ils sont constamment sur le point de se faire tuer. Je pense que c’est pour ça qu’on voit des gens se faire abattre suite à un tir de réflexe [par les policiers] (Craig Atkinson, source)
Il va de soi que Dave Grossman n’a pas du tout apprécié d’être mis en cause de cette manière. Selon, lui Atkinson « peut dire : ‘je soutiens les flics, je suis le fils d’un flic’ si ça lui chante, mais ça ne change rien. Cette vidéo va nourrir la haine des flics, et en nourrissant la haine des flics, le sang de ceux qui seront tués sera sur ses mains. »
Déjà entendu parler du vieux dicton : « il faut que les choses empirent pour qu’ensuite elles s’améliorent » ? Oh, les choses vont empirer, les gars. Nous sommes en guerre, et vous [les policiers] êtes en première ligne dans cette guerre. Et les gars, je veux que vous compreniez quelque chose. Quand ils [les terroristes] viendront tuer les enfants, les individus qui ont essayé de désarmer nos flics seront traqués , et à travers la nation ils seront attaqués, on leur crachera dessus, ils seront rejetés dans leur petit trou visqueux, d’où ils ne ressortiront plus. Dans un futur proche – c’est ce qui arrivera aux idiots qui ont essayé de désarmer nos flics.
Les gars, en ce moment il n’y a personne au Mexique qui se plaigne de la militarisation de la police. Il n’y a personne en Russie qui se plaigne de la militarisation de la police. Ils apparaîtront comme les pires idiots que le monde ait jamais connu, et on leur apposera une marque sur leur front : « Idiot – n’écoutez plus jamais ce timbré ». Dans un futur très proche, on vous donnera raison. La mauvaise nouvelle ? Le loup est à nos portes, les temps vont être très durs. La bonne nouvelle ? Vous avez la sécurité de l’emploi. Eh oui. Parce que le monde a désespérément besoin de ce que vous avez à lui offrir. (Dave Grossman, extrait de Do Not Resist)
Je me garderai toutefois de faire un mauvais procès en hypocrisie à Grossman. En effet, j’estime qu’il n’y a pas de contradiction à lutter contre un hypothétique « conditionnement à la violence » par les jeux vidéo, tout en favorisant et en encourageant ce même conditionnement chez les policiers. Si l’on considère que les civils sont des moutons, et les flics des chiens de berger, il est plutôt cohérent que les premiers soient épargnés par la violence, tandis que les seconds baignent dedans. Pour cette raison, il serait malvenu d’utiliser les controverses concernant l’instruction qu’il dispense aux forces de police pour discréditer son combat contre la violence des médias. Ce sont deux engagements différents, qui doivent être abordés distinctement (et ce ne sont pas les arguments qui manquent pour démonter ses théories sur les jeux vidéo « violents »). Ceci dit, je ne peux pas m’empêcher de m’amuser du caractère cocasse de la situation.
En effet, cet homme a façonné durablement la critique vidéoludique et le débat à son sujet, non seulement par ses théories, mais aussi par son outrance verbale, ses déclarations incendiaires, son ton pamphlétaire et inquisiteur (qui ont eu pour effet, à terme, d’hystériser le débat au point de rendre toute critique inaudible). Et voilà que ses propres outrances se retournent contre lui. Voilà qu’il se retrouve puni par où il a péché depuis toutes ces années.
Cet homme nous a été vendu par les « activistes anti-violence » comme un « soldat de la paix », un courageux croisé en lutte contre le « virus de la violence » (selon ses propres termes) qui gangrène son pays et le monde entier, un expert, quasiment un gourou, au-dessus de tout soupçon. Et voilà qu’il est accusé d’être un fou de la gâchette, un « drogué de la poudre à canon », qui inocule ce même « virus de la violence » à ceux qui en détiennent déjà le monopole légitime : les policiers.
Cet homme a passé deux décennies à essayer de nous convaincre que des médias audiovisuels apprenaient à tuer, qu’ils étaient co-responsables des massacres qui ont ensanglanté de nombreux lieux publics, aux Etats-Unis et dans le monde, et qu’à ce titre, leurs producteurs méritaient d’être traduits en justice (ils l’ont d’ailleurs été grâce à son ami Jack Thompson, mais ils ont été acquittés), qu’ils avaient même engendré une génération d’assassins. Et voilà qu’à son tour, il se retrouve accusé de former des machines à tuer, et que ses séminaires sont accusés d’avoir inspiré un meurtre de civil.
A ce stade, l’ironie de la situation est savoureuse. Succulente, même.
Tags: Assassination Generation, Craig Atkinson, Dave Grossman, Do Not Resist, jeux violents, violence, violence des médiasShane Fenton est joueur depuis les années 80, et joueur passionné depuis 1990. Ouais, à peu près comme tout le monde ici, quoi. Sauf qu'en plus, il cause. Beaucoup. Mais alors beaucoup. C'est pas sain pour lui qu'il cause autant. Faudrait plutôt qu'il joue.
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Après avoir regardé Do Not Resist, j’ai mis à jour l’article, avec une description du documentaire, et l’intégralité des citations de Dave Grossman qu’il contient (j’ai également rajouté des citations de Craig Atkinson, où il précise ses griefs contre Grossman). Au passage, je vous le recommande vivement. Il est très instructif… et particulièrement flippant.