On jouait déjà avant ta naissance, donc on a raison

Le paradoxe du dimanche matin

Par • le 21/4/2008 • Entre nous

Dans mon enfance, j’ai toujours haï le dimanche, journée morne et glaciale où il n’y avait généralement rien d’autre à faire que de rester cloîtré dans sa chambre en pensant à la reprise des cours qui s’approchait à mesure que le soleil effectuait sa ronde dans le ciel pour laisser place à la nuit.

Rien à la télé, parents endormis, copains occupés, le dimanche était la journée vide. Vide d’activités, vide de sens, vide d’espoir.

Alors pour passer le temps, avant que Maman ne fasse sa sieste dominicale, on lui demandait un chocolat chaud, que l’on sirotait en lisant le journal de Mickey. Et puis, avec un peu de chance, Maman se réveillait avant 17h. Alors, on pouvait regarder le catch à la télévision, seule activité un tant soit peu amusante dans cette journée vouée à la déprime enfantine.

Et puis quand même, le dimanche, il y avait le matin. Matin béni, endormi, joyeux, délicat, comme le moment où je demandais à ma mère, généralement sans trop y croire : « Dis Maman, je peux brancher la Nintendo ? Ya rien à la télé ». La réponse était souvent positive. Alors, dans ce moment faisant briller mes yeux d’enfants, je filais dans ma chambre pour sortir le gros bloc gris ainsi que quelques cartouches pour accéder, l’espace de deux heures, à mon petit coin de paradis, mon évasion pixellée, ma NES. Pendant deux heures je pouvais être un chasseur de vampires, un boxeur hors-pair, un plombier moustachu, un pilote de vaisseau intergalactique, un ninja, et j’en passe.

Ainsi, les dimanche matins dans le XVIIIe arrondissement de Paris étaient plutôt agités en 1989. Le monde y a été sauvé 712 fois, des princesses ont évité la mort près de 4512 fois, et l’on ne compte même plus le nombre de monstres de tous types boutés hors de notre monde.

J’étais un héros. Un sauveur. Sauveur du monde, mais, plus important, sauveur de mon ennui, sauveur de ma fatigue, sauveur de ma médiocrité.

Sans ces dimanche matins, jamais je n’aurais pu agrandir ma culture, améliorer mon anglais, gagner de bons réflexes, et avoir cette partie de moi-même qui fait qu’aujourd’hui je tire une certaine fierté à être un geek.

S’il existe un épilogue à cette petite histoire d’un gamin émerveillé, c’est que l’enfant a aujourd’hui 22 ans, travaille dans l’industrie du jeu video, et s’est forgé un amour de la couleur, des belles histoires, une curiosité de chaque instant et une envie de vivre toujours plus de belles choses.

Et tout ça, il ne l’aurait peut-être jamais eu sans ces dimanche matins.

est joueur depuis 1988. Il aime jouer, boire, écrire, et draguer ta maman. Il te parlera surtout de rythm games, de trucs vaguement retro et de jeux de baston. Il est possible de le croiser dans quelque bar mal famé, sûrement en train d'activement préparer un test bourré. Un type bien, donc.
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4 commentaires »

  1. Veinard ! Moi aussi, je haïssais les dimanches, et la seule activité disponible, c’était la télé. Quand on l’allumait, ça faisait plus ou moins passer le temps, mais quand on l’éteignait, on retrouvait notre réalité de merde, notre HLM de merde, et on déprimait à l’idée de revenir à l’école le lendemain. C’était comme si on était dans un trip dont les effets s’estompaient d’un coup.

    Et même quand on sortait dans le parc (notamment le Parc des Bois, à Rennes) ou à la mer pour oublier cet ennui, c’était le contraire qui se passait : l’ennui venait se greffer sur ces endroits, qui sont devenus des symboles de ces dimanches pourris.

    Sauf que moi, je n’avais pas la Nintendo. On n’avait qu’un MSX (en 1986), mais là-dessus on ne pouvait jouer qu’à des jeux pas beaux, parfois durs, et vite lassants (à l’exception notable de Maze of Gallious). Il y a eu la Sega Master System, mais elle n’est venue que très tard (fin 1990), elle n’était pas géniale graphiquement, et on finissait par se lasser des jeux qui tournaient dessus.

    Aussi loin que je me souvienne, le moment où j’ai vraiment arrêté de m’emmerder le dimanche, c’était quand j’ai eu la Megadrive vers la mi-1991. A moi Sonic, Super Monaco GP, Strider, Revenge of Shinobi ! A moi « l’arcade à la maison » et les beaux jeux, bien faits, et intéressants !

    Donc en ce qui me concerne, la nostalgie de ces dimanches pourris, très peu pour moi, et la reconnaissance, encore moins (mais bon, ce n’est que mon expérience).

  2. Oh ‘tain Pipo, t’as presque commencé à jouer avant de marcher… Quel bol ! Bon, moi à deux ans, on était en 1978 alors c’est sûr que ça doit changer un peu la donne. Les jeux vidéo n’existaient pas vraiment, en tout cas je n’en savais absolument rien.

    Et si j’avais su que ça existait, si j’avais voulu m’y intéresser, mes parents n’auraient probablement pas voulu que je me pollue le cerveau avec, un peu comme pour la télé.

    Mouais, quand je repense à toutes ces années gâchées à lire des bibliothèques roses… Je me rappelle d’avoir joué à Pong, très petit, c’était une sorte de révolution. ‘Tain ça rajeunit pas tout ça.

  3. J’avais pas deux ans, j’en avais quatre !

    Rhoooo…

  4. Le dimanche.
    Je détestais le dimanche mais seulement l’après-midi. Surtout de 16 à 19h, quand le soleil devient orange et que petit à petit la fatalité du lundi arrive.

    Mais le matin c’était jeux vidéo, le nez dans mon Atari ST, le son pas trop fort. Et le soir parfaois je pouvais voir le début d’un film, et faire semblant de tout connaître le lendemain à la récré.

    Dimanche, ça oscille entre le souvenir de merde et l’inoubliable.

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