On jouait déjà avant ta naissance, donc on a raison

La parole à l’accusation : Rudolf Weiß

Par • le 27/6/2013 • Entre nous

Cela faisait bien longtemps, plus de 2 ans en fait, que je n’avais pas braqué les projecteurs sur un détracteur germanophone de notre loisir (ou de sa violence, mais parfois, ça revient au même). Il est vrai que le temps des grosses polémiques sur les « killerspiele » semble révolu. La fureur autour de la fusillade de Winnenden s’est apaisée depuis longtemps et n’a débouché sur aucun projet politique, et depuis, ni la tuerie d’Utøya, ni celle de Sandy Hook, n’ont suffi à raviver la flamme. On entend de moins en moins les détracteurs de la violence vidéoludique purs et durs. Cependant, ils sont encore actifs, et qui sait, ils pourraient ressortir du bois en cas de nouvel Amoklauf. En tout cas, je suis loin d’en avoir fait le tour. C’est pourquoi j’entends bien continuer à vous les présenter, et tant pis s’ils ne présentent plus qu’un intérêt « historique »… voire « archéologique ».

Aujourd’hui, nous allons nous arrêter sur un dur parmi les durs, le Docteur Rudolf H. Weiß (à ne pas confondre, ni avec le Pasteur Rudolf Joseph Jakob Weiß, ni avec le SS Rudolf August Vinzent Weiß, ni avec l’artiste Rudi Weiß). Né en 1936, psychologue de formation, il réside à Auenwald, dans le Bade-Wurtemberg, où il est conseiller municipal et adjoint au maire. Il a d’abord travaillé sur les tests d’intelligence, avant de s’intéresser, dès les années 90, à la violence des médias et à ses effets sur les enfants. Il a même publié un livre sur la question en l’an 2000 :Gewalt, Medien und Aggressivität bei Schülern, où il était déjà question de jeux vidéo. Suite à la tuerie d’Erfurt en 2002, son livre a été cité plusieurs fois, et lui-même est intervenu régulièrement au sujet de la violence dans les médias. Mais c’est en 2007 qu’il accède vraiment à la notoriété quand il apparaît à la télévision aux côtés de ses collègues Werner Hopf et Günther Huber, dans un reportage de Frontal 21, afin de présenter une étude longitudinale qui établit un lien entre pratique des jeux violents et criminalité violente (cette étude sera publiée un an plus tard dans le Journal of Media Psychology). Depuis, à l’instar de son collègue Werner Hopf, il est de toutes les initiatives. En 2008, il intervient à la conférence « jeux vidéo et violence » à Munich, participe à la fondation de l’association MedienGewalt e. V., et signe « l’Appel de Cologne contre les jeux violents ». Suite à la tuerie de Winnenden en 2009, il intervient dans une autre conférence munichoise sur l’enfants et les médias, et il prend contact avec les parents des victimes qui se réunissent en association, en leur fournissant toute l’argumentation scientifique nécessaire pour s’opposer aux « killerspiele ». En 2010, il dénonce le « fascisme virtuel » de Call of Duty : Modern Warfare 2, et publie les résultats d’une enquête qui démontre qu’une majorité de jeunes écoliers ont eu accès à ce jeu bien qu’il soit normalement réservé pour les plus de 18 ans (il a fait de même pour GTA IV et plus tard pour Call of Duty : Black Ops 2, avec des résultats analogues). Et plus récemment, suite à la tuerie de Sandy Hook fin 2012, il a renouvelé son opposition (et celle de son association) aux « Killerspiele ».

Ce qui le rend particulier, c’est que de tous les détracteurs allemands de la violence des jeux vidéo, il est l’un de ceux qui ont le plus recherché la confrontation avec les joueurs. Certes, il n’est pas allé jusqu’à s’inscrire sur les forums vidéoludiques (comme l’a fait Regine Pfeiffer, qui est allée le plus loin dans le dialogue). Mais en revanche, il est intervenu sur les forums des émissions de télé où il aparaissait, et il a inclus les arguments de ses détracteurs dans ses propres articles, afin de mieux les réfuter. En témoigne l’article dont je vous présente la traduction ici-même, daté de 2008, et inclus dans une série thématique du site suisse Medienheft (aujourd’hui disparu). C’est également l’un des articles les plus complets jamais écrits par un chercheur allemand ayant travaillé sur la violence des jeux vidéo. Place à la lecture, donc, et on se retrouve plus bas.

La violence des médias engendre la violence

Une nouvelle étude longitudinale au sujet de la recherche des effets
(Dr, Rudolf H. Weiß, 30 octobre 2008)

Une équipe de chercheurs a travaillé pendant plusieurs années sur une étude longitudinale de 2 ans au sujet des effets de la violence des médias sur les enfants et les adolescents. Avec des résultats clairs : selon l’étude, la consommation de violence médiatique produit à terme de la violence et de la délinquance violente – et ceci plus sûrement que d’autres facteurs de risque.

Werner Hopf, Günter Huber und Rudolf Weiß ont effectué une étude longitudinale de 2 ans au sujet des effets de la violence des médias sur les enfants et les adolescents. 1050 élèves (respectivement, 650 lors du deuxième test) issus de collèges professionnels bavarois [NDT : le terme employé est « Hauptschule », il désigne les établissements scolaires de niveau collège, mais orientés vers une insertion professionnelle dès 16 ans. C’est là qu’on envoie après l’école primaire les élèves les plus faibles.] ont été soumis à un questionnaire qui comporte 300 critères. Il s’agit de l’étude longitudinale la plus vaste qui ait été créée à ce sujet dans le monde germanophone. Les résultats de cette étude qui sont apparus dans la revue Journal of Media Psychology (3/2008) seront brièvement présentés, puis complétés par les réactions que cette étude a déclenchées à l’issue de sa publication.

Au centre de l’étude Media Violence and Youth Violence (2008), on trouvait la question suivante : quel est l’effet produit sur une durée de 2 ans par la fréquence de la consommation et de la spécificité de la violence des médias audiovisuels sur l’attitude par rapport à la violence, les comportements violents et la délinquance, et ce par rapport à 8 facteurs de risque supplémentaires relevant de la famille, de l’école, des amis ainsi que des traits de personnalité. Ceci a été examiné grâce à des méthodes d’analyse des chemins. [NDT : le terme employé est « Pfadanalyse », en anglais « path analysis », une famille d’algorithmes de graphes]

Résultat : la consommation de violence médiatique (valeur globale) produit ultérieurement de la violence de la part des élèves (ß=.28) et de la délinquance violente (ß=.30) plus certainement que d’autres facteurs de risque.

Certains résultats sont particulièrement significatifs, à savoir : (1) jouer à des jeux électroniques contenant de la violence est le facteur de risque le plus important pour la criminalité violente et (2) des expériences, aussi bien médiatiques que réelles, à des émotions agressives, associées à l’envie de vengeance, constituent les facteurs de risque principaux pour la violence à l’école et la criminalité violente.

De plus, les résultats de notre étude le montrent : plus un élève regarde des films d’horreur et de violence pendant son enfance, c’est-à-dire à l’âge de l’école primaire, et plus il s’occupe avec des jeux électroniques contenant de la violence (jeux vidéo et jeux sur ordinateur violents) au début de leur adolescence, plus leur violence à l’école et leur criminalité violente est importante à l’âge de 14 ans. La relation de cause à effet « consommation de violence médiatique > agressivité » commence, du point de vue de la psychologie développementale, dès l’âge de l’école primaire. Les résultats d’une telle consommation de violence médiatique à long terme sont : une personnalité plus agressive et un comportement plus antisocial.

En comparant les 3 types de médias [télévision, films et jeux vidéo], il s’est avéré qu’à 14 ans, la violence des élèves et leur délinquance sont le plus fortement conditionnées, respectivement, par la consommation en bas âge de films d’horreur et de violence (ß=.25) et par la consommation de jeux vidéo violents (ß=.29).

Nous avons donc observé avec intérêt comment le public, en particulier les fans de la communauté des gamers, réagit à de tels résultats. Nous avons pu nous faire une idée via divers communiqués de presse, interviews et entretiens personnels avec des gamers.

Réactions et témoignages directs des gamers

Dans une édition de l’émission Frontal [21] de la chaîne ZDF d’août 2007 [NdT : traduite en français ici-même] notre étude a été le sujet d’un reportage du Dr. Rainer Fromm. Ensuite, une discussion sur cette émission a été menée dans une chatroom à laquelle a participé le Dr. Weiß en tant que représentant de l’équipe de chercheurs.

stormnoid: @neoxan: Il est vrai que ces soi-disant killerspiele ne sont pas appropriés pour les enfants. Sur ce point, je suis entièrement d’accord avec vous. Mais en tant que citoyen majeur et émancipé âgé de 30 ans, je pense pouvoir décider moi-même à quoi je joue. Cela fait maintenant presque 20 ans que je suis un passionné de jeux vidéo. J’ai un métier ordinaire, j’ai fait des études, et je n’ai pas envie de toujours endosser le rôle du méchant quand j’avoue que je suis un joueur passionné. Pour résoudre le problème, la totalité des médias conçus pour les adultes devrait être indexée.

Foerdersumpf: @Frontal21: Pourquoi est-ce qu’une étude qui ne constate qu’une probabilité « plus ceci, plus cela » n’a pas été proprement séparé en statistiques et interprétations ? Je suis sûr qu’on pourra également établir une corrélation entre la pauvreté et la délinquance, et tant qu’à faire, entre la « vie sous les lignes de courant. » [NDT : traduction littérale, faute de mieux, de l’expression originale « Leben unter Stromleitungen ». On pourrait éventuellement la traduire par le fait de coucher sous les ponts et de vivre comme un clochard. Mais la vérité est qu’elle est incompréhensible et intraduisible] Donc la « vie sous les lignes de courant » engendre la délinquance. *lol*

Jakob Reiche: Je pense qu’on ne peut pas tout décharger sur le bouc émissaire « Killerspiel ». En effet, le plus souvent ce sont les circonstances sociales qui sont responsables de la constitution des enfants et des adolescents. Avant tout, ce devrait être la mission des parents de protéger la jeunesse devant la « violence ». De plus, des pseudo-sondages ne reflètent aucunement la réalité. Dans la vie réelle, je n’ai jamais rencontré de gens qui étaient incités à être soi-disant « excessivement violents » à cause de jeux PC.

yoda1138: @ Rudolf H Weiß: Est-ce qu’il ne faudrait pas également indiquer, à côté d’une telle affirmation, combien de temps dure cette agressivité ? Si elle ne se manifeste que de façon temporaire pendant le jeu, je n’y vois aucun problème, car ce serait la même chose que quand on regarde un film.

meberz: toute cette discussion me rapelle Bowling for Columbine. On cherche des boucs émissaires pour des problèmes sociaux, est-ce qu’on a par exemple examiné combien de ces 25-35% d’adolescents violents ont des parents ivrognes et chômeurs ? Est-ce que cela ne pourrait pas aussi être une raison ? Mais il est bien plus facile de bâmer les jeux PC au lieu d’aborder les problèmes sociaux.

Silverhair: @Rudolf H Weiß: Est-ce que vous avez également pu déterminer quelles sont les dispositions à la violence, les perturbations développementales, le risque d’addiction chez les adolescents/adultes qui doivent vivre dans notre société de façon parfaitement ordinaire sans jeux vidéo, à l’aide de Harz IV [NDT : l’équivalent allemand du RMI/RSA], en manque de formation, d’argent – de travail ?

En septembre 2008 nous avons été interviewés par un organisme de presse de Bade-Würtemberg pour leur supplément jeunesse NICHT JUGENDRFREI [NdT : L’organisme de presse en question est le Zeitungsverlag Waiblingen, qui édite quatre journaux locaux. « Nicht Jugendrei » signifie littéralement : « Interdit aux mineurs »]. Le titre était : « les killerspiele doivent être interdits ». L’entretien mettait en tête-à-tête Mme Schneider, rédactrice, et le Dr. Weiß. Voici un échantillon des contributions de la communauté sur le forum :

Publié par anarchist le 08/09/2008 à 00:50 : Les vrais computer-nerds et joueurs hardcore que je connais n’auraient certainement pas envie de sortir la nuit pour casser la gueule à quelqu’un, puisque pour cela, il faudrait éteindre l’ordinateur et quitter la maison… On pourrait donc dire qu’il y a toujours trop peu de monde qui préfère vivre leur violence devant l’écran plutôt qu’en vrai. Dans ce sens, il faudrait presque faire de la publicité pour ça, par exemple en distribuant une PS3 à chaque ado scolarisé en filière technique [NdT : le terme employé est « Hauptschüler », ce qui désigne l’équivalent allemand de nos élèves de BEP/CAP] (je joue le soir, une ou deux petites heures, à Call of Duty en ligne, et ainsi mon besoin de faire la guerre et de flinguer des gens est plus que satisfait… et je pense qu’il en va de même pour la plupart des autres joueurs). De manière générale, l’idée selon laquelle les jeux vidéo rendent agressif est ridicule. Parce que ça veut dire quoi, « agressif » ? Ca veut dire qu’on fait du tort à d’autres personnes par pure méchanceté ou parce qu’on se croit meilleur. Et c’est exactement ce que font les soi-disant scientifiques et pédagogues qui veulent retirer leurs loisirs aux jeunes, par pure haine et par incompréhension. Les véritables agresseurs réalisent des études mensongères et veulent toujours interdire quelque chose. Ce sont les adultes qui ont fait de ce monde l’enfer qu’il est devenu aujourd’hui… Et maintenant, ils veulent que les jeunes ou les FPS portent le chapeau à leur place [NdT : l’expression exacte est : « die Schuld in die Schuhe schieben », ce qui signifie : « glisser la faute dans les chaussures de quelqu’un d’autre »]. Aucun joueur de ma connaissance n’est aussi intolérant que les anti-jeux vidéo. Aucun fan de FPS n’a autant de problèmes psychiatriques, ni autant de fantasmes de toute-puissance, que les petits-bourgeois qui veulent imposer leur vision du monde.

Publié par Neo91 le 07/09/2008 à 14h58 : A propos des parents. Bien sûr, les parents devraient regarder un peu à quels jeux jouent leurs enfants. Hélas, il se trouve souvent que ça ne les intéresse pas du tout, parce qu’ils ne pigent rien à ce que c’est. C’est aussi pour ça que les jeunes joueurs ne devraient pas chasser leurs parents de leurs chambres si ceux-ci entrent à l’improviste en pleine partie. Les joueurs devraient montrer aux parents ce qu’ils font, et peut-être même montrer comment on y joue. Bien sûr, on peut penser que si je montre le jeu à mes parents, ils vont me l’enlever. Mais je pense qu’ils réagiront mieux si on leur explique de quoi il s’agit. Par exemple, GTA est souvent présenté comme un « killerspiel » (je n’aime pas ce mot). Cependant, on n’explique pas ce qui rend le jeu tellement intéressant.

Publié par Ryllan le 22/05 (en réaction à un autre article de mai 2008) : Moi-même, il m’arrive parfois de jouer à Counter-Strike, qui est présenté en quelque sorte comme LE killerspiel par excellence. Toutefois, après une nuit blanche consacrée à jouer aux jeux vidéo, je me suis abstenu de m’introduire dans une école et de flinguer des gens. Alors bon, voilà quoi, un jeu ne va pas fabriquer des tueurs. Et les jugements à l’emporte-pièce des politiciens ne sont pour moi qu’un moyen de faire parler d’eux. Il appartient à chacun de voir si ça joue pour eux ou contre eux. Il y a longtemps, j’ai joué à Moorhunn [NdT : un jeu à la Duck Hunt], on y tue des poules, et à ce jour, je n’ai jamais entendu dire qu’une quelconque association de défense des animaux voulait interdire ce killerspiel. Le fait est qu’on nous regarde toujours, nous les gamers qui jouons à ces jeux, avec une certaine méfiance, parce qu’on est immédiatement catalogués comme des tueurs en puissance. C’est aussi une grande ‘réussite’ de la part des médias, car ils y ont grandement contribué, à force de reportages unilatéraux et biaisés, voire amateurs.

Etude des propos des gamers

L’idée que les jeux violents aient une influence négative sur eux doit heurter le sentiment de toute-puissance de ces jeunes en pleine puberté. C’est pour cela que beaucoup d’entre eux réagissent de manière très épidermique, et se sentent provoqués par les analyses critiques qui paraissent dans les médias. Ils justifient leur dépendance en rationalisant, parfois en ayant des propos orduriers. Et ils déclenchent une contre-attaque contre les scientifiques en leur prêtant des intentions malhonnêtes. Eux-mêmes se sentent stigmatisés par les reportages négatifs sur les gamers qui jouent à des killerspiele. Certains se plaignent également de l’incompréhension des adultes vis-à-vis de ce formidable nouveau médium, sachant que les killerspiele augmentent le bien-être, à savoir qu’ils auraient une fonction cathartique.

Ils argumentent en grande partie de la même manière que le représentant des gamers Erik Beyer dans le débat organisé par Medienheft : subjectifs, adoptant un ton polémique voire agressif, plaçant leur propre expérience au-dessus de tout, et dont le principal argument est que les problèmes sociétaux ainsi que l’environnement familial sont bien plus décisifs [que les killerspiele] quand ça tourne mal.

Il faut ajouter à cela une tendance à se surestimer. Selon les joueurs : « j’ai constaté que cela ne me nuisait pas, puisque ça fait 10 ans que j’y joue, et j’ai fait le même constat parmi les joueurs de mon entourage… » Ou bien : « je me sens tellement fort que les pires cruautés ne peuvent rien me faire. Par ailleurs, j’ai une personnalité si affirmée que jamais je ne pèterai un câble. »

Ces propres fantasmes de grandeur et de toute-puissance, qu’un gros joueur peut développer avec le temps (« je m’y sens comme un héros »), sont reportés par projection sur certains scientifiques, qu’on accuse eux-mêmes de souffrir d’un complexe de toute-puissance parce qu’ils veulent aboutir à des interdictions, et ainsi imposer leur propre système de valeurs. A ce sujet, voici le commentaire de M. W. [NdT : de toute évidence Michael Wallies], ancien gamer régulier, qui selon ses propres dires, a « joué à tout » de 10 à 17 ans, avant d’en décrocher au terme d’un processus long et douloureux :

Il est presque amusant d’entendre les joueurs de jeux vidéo se dire ouverts et reprocher aux autres leur intolérance alors qu’eux-mêmes ne permettent pour rien au monde qu’on refuse de considérer leurs « loisirs » comme sensés. Il ne leur vient pas à l’esprit que quelqu’un puisse rejeter ces jeux à cause de sa propre expérience et de l’horreur de ce qu’il a vécu (dans le cas de la génération qui a connu la guerre). La question qui se pose toujours à la fin est la suivante : quelle est la réaction normale et raisonnable ? Celle d’une personne (par exemple, une mère de famille) qui voit un killerspiel pour la première fois et n’en supporte pas la vue parce que la représentation de la violence est si extrême qu’elle ne veut pas regarder ? Ou celle d’un jeune qui peut jouer aux jeux les plus extrêmes sans broncher ? Il faut se demander quelle est la réaction normale. Et si le joueur peut pratiquer ces jeux, ce n’est pas parce qu’il admire les paysages en ignorant le carnage. […] Je ne voudrais pas que mon enfant s’abrutisse se désensibilise à ce point face à la représentation de la violence, donc je lui interdirai évidemment de tels jeux jusqu’à l’âge approprié. L’éducation à la paix est une partie importante de la mission d’éducation. Certes, l’USK peut toujours être l’une des commissions les plus strices, mais même leur système de classification est une blague. On pourrait facilement ajouter 2 à 4 ans à l’âge qu’ils requièrent pour la plupart des jeux.

Le lien entre killerspiele et violence et similaire au lien entre tabac et cancer du poumon

Il est clair que pour beaucoup, il y a une mauvaise connaissance et une incompréhension des méthodes d’anaylse statistique et des affirmations de probabilité. A ce sujet, voici l’avis d’un expert, le Professeur Helmut Lukesch (2008), doté d’une chaire en psychologie expérimentale à l’Université de Ratisbonne :

Les profanes ont évidemment des connaissances tout juste rudimentaires sur les outils statistiques – méthodiques – de vérification des connaissances, toutefois ça ne va pas les empêcher, dans la vie quotidienne, de considérer leurs convictions personnelles comme scientifiquement fondées. De même, ceux qui travaillent dans les médias ne constituent pas une source d’information fiable parce qu’ils sont prisonniers des stéréotypes de leur métier, et ne peuvent faire à leur tour que des suppositions subjectives.

Un exemple à ce sujet : Il existe un lien mondialement étudié et reconnu entre une forte consommation de tabac et le cancer du poumon. La corrélation s’élève à r=0.39. Ce coefficient indique que statistiquement parlant, 16% des gros fumeurs vont être atteints d’un cancer du poumon. Ainsi, 84% d’entre eux n’en développeront pas. Néanmoins, le législateur a réussi à mettre en oeuvre en Allemagne une interdiction de fumer dans la plupart des lieux publics.

La corrélation entre une consommation longue et excessive de médias violents et la violence réelle (voire la délinquance) est à peu près aussi élevée que celle entre une forte consommation de tabac et le cancer du poumon. Il irait de soi de demander des restrictions légales, au moyen d’interdictions, bien que la plupart des gamers ne risquent pas de devenir des criminels violents.

La violence des médias est dangereuse, pas uniquement pour les personnes à risque

Parlons maintenant d’un point du discours scientifique qui porte plus que d’autres à controverse : « La violence des médias est en soi un facteur qui rend violent, y compris les enfants non agressifs. Un quart des actes violents commis par un jeune peut être attribué aux médias. » Cette conclusion de notre étude, qui fait partie du domaine de la psychologie des médias, a été corroborée par des études neurophysiologiques, quand le Professeur de Neurobiologie de Göttingen Gerald Hüther a constaté que « la frontière entre les violences virtuelles et réelles est mince ». Ainsi de nombreux adolescents « n’ont plus la sensation d’être dans le réel », et « tapent sur les autres à coups de pied, sans remords, parce que c’est un comportement qu’ils ont ramené depuis le monde virtuel » (tiré de l’émission Gefährliches Flimmern [NdT : littéralement, « Dangereux scintillement », allusion aux scintillements des vieux écrans de télé] diffusé sur la chaîne ZDF le 8 octobre 2008).

Cependant, Wassilis Kassis, Professeur en pédagogie et en sciences de l’éducation à Bâle, qui a également mené des études au sujet des effets de la violence des médias sur les élèves, relativise ce lien : « les médias violents peuvent avoir un impact négatif, au point de pousser à commettre un acte de violence réelle, mais aussi abjects soient-ils, leur impact ne concerne qu’un groupe spécifique de jeunes ». Il estime qu’environ 10% d’entre eux deviennent réellement violents, mais seulement s’ils appartiennent à un certain groupe à risque.

Toutefois, il ne regarde qu’un côté des choses, car dans ce cas, cela voudrait dire qu’un jeune dont la personnalité est bien développée et stable, pourrait jouer intensément et indéfiniment à des jeux vidéo contenant des scènes violentes, sans que cela provoque d’effets nocifs. Selon nos analyses, cette argumentation ne tient pas debout, car du point de vue des corrélations statistiques, les frontières sont floues, depuis l’absence de danger jusqu’aux très hauts risques. A savoir qu’il s’agit d’un continuum. Dans ce cas, un changement de personnalité survient même dans des conditions normales, souvent sans qu’il puisse être détecté de l’extérieur, car il s’agit d’un processus long et insidieux, similaire au développement de l’alcoolisme. La dépendance de la personnalité aux effets de la violence des médias est donc relative (cf. Weiß, 2000: 205–213). La consommation intensive et à long terme de médias violents sous forme de Killerspiele finit par nuire à tout le monde – la différence est dans le degré de nuisance, plus élevé pour les uns, plus faible pour les autres. Dans tous les cas, il n’y a pas d’absence d’effets nocifs !

Etude de cas : un garçon presque normal

A ce sujet, un cas d’étude impressionnant est le meurtre sauvage qui a eu lieu à Tessin dans le Brandebourg, et dont la relation avec les médias a été décrite de manière frappante dans un article de Die Zeit (2007). Le processus insidieux évoqué plus haut s’est enclenché chez un lycéen de « bonne famille » de 17 ans :

Félix. Le garçon intelligent, le lycéen modèle, le fils bien éduqué, qui saluait poliment tout le monde. Il n’était pas un de ces voyous qui donne des cauchemars à ses parents. (…) Un bon petit gars, un espoir pour l’avenir. Du moins jusqu’au 13 janvier 2007, car ce jour-là, vers 22 heures, deux cadavres couverts de sang gisaient dans la maison en briques au 22 Dorfstraße. Massacrés à coups de couteaux de cuisine. Par Félix, le garçon modèle. (Rückert, dans Die Zeit, 21 juin 2007)

Sabine Rückert, auteure de l’article de Die Zeit

Personne dans son entourage ne s’était aperçu d’un quelconque changement, cependant il était bien présent, et il était clair qu’il était causé et renforcé en permanence par sa consommation, excessive et de longue date, de médias violents. Sa collection de jeux contenait, entre autres, des FPS horrifiques tels que Doom 3 (« Doom » veut dire : « perdition »), Final Fantasy 7 et Prey (« La Proie »), également un jeu pour les 18 ans et plus.

Etre fort et important au moins une fois dans sa vie, tel était le rêve le plus intime de ce lycéen. Accomplir une œuvre immortelle au moins une fois dans sa vie, un opus magnum. (Rückert, dans Die Zeit, 21 juin 2007)

De tels fantasmes de grandeur et de supériorité, la sensation d’impuissance qui en découle, surviennent très fréquemment chez les adolescents ayant une puberté tardive. Plus loin dans l’article, on peut lire :

Avec le temps, Félix semble avoir trouvé sa propre voie, afin d’atténuer ce sentiment d’impuissance qui le submerge. Frustré par la réalité, abattu, il s’évade de plus en plus – tout comme beaucoup d’ados – dans le monde virtuel des jeux vidéo, des films d’horreur et des sagas héroïques. Les voisins l’observaient par la fenêtre, assis jour et nuit devant son ordinateur ou sa Playstation. (Rückert, dans Die Zeit, 21 juin 2007)

Cet acte n’était pas l’oeuvre d’un malade ; les notions psychiatriques telles que « psychose » et « poussée de schizophrénie » ne rentrent pas non plus en ligne de compte. Tout ce qu’il voulait, c’était, au moins une fois dans sa vie, être fort, devenir un héros.

La nouvelle loi allemande pour la protection de la jeunesse et son absence d’effets

Au vu des connaissances scientifiques irréfutables d’aujourd’hui, il a été prévu, à la base, dans la nouvelle loi allemande pour la protection de la jeunesse (JuSchG) une interdiction de la glorification de la violence au moyen d’une mise à l’index. On peut lire dans le paragraphe 15 au sujet des « supports médiatiques qui présentent un danger pour la jeunesse » :

(1) Les supports médiatiques ajoutés à la liste des médias représentant un dangerpour la jeunesse en vertu du paragraphe 24, alinéa 3, phrase 1, ne doivent pas : 1. être proposés, laissés ou rendus accessibles par d’autres moyens à un enfant ou une jeune personne.

En font partie, selon l’aliéa 2, phrase 3, les supports « contenant des représentations particulièrement réalistes, cruelles et racoleuses, de violence gratuite qui domine l’action. »

Et dans le paragraphe 18, au sujet de la « liste des médias représentant un danger pour la jeunesse », il est écrit :

(1) Les supports médiatiques et télémédias qui représentent un danger pour le développement des enfants et des adolescents ou pour leur éducation en vue d’acquérir une personnalité responsable sociable, sont à ajouter à la liste des médias représentant un danger pour la jeunesse par le Bureau d’études ad hoc. On y compte avant tout les médias immoraux, brutaux, incitant à la violence, le crime ou la haine raciale, ainsi que les médias dans lesquels, 1. les actes de violence tels que le meurtre et le massacre sont représentés de façon gratuite et détaillée, ou 2. le vigilantisme est montré comme étant le seul moyen pour imposer sa prétendue justice.

Pourquoi le paragraphe d’interdiction dans la nouvelle loi pour la protection de la jeunesse n’est pas suffisant

Ce texte juridique contient une interdiction claire de ce qu’on appelle les Killerspiele. Seulement, l’application de ces règlements légaux via un « organisme d’autorégulation » (USK) laisse à désirer; ce qui a des conséquences catastrophiques pour certains élèves, car l’USK étant financée par l’industrie, interprète la loi en faveur des éditeurs et des distributeurs, comme dans le cas le plus récent, où le jeu vidéo extrêmement brutal GTA IV a été classé pour les 18 ans et plus. La réalité est donc différente de ce que le législateur a voulu et formulé. En effet, d’après nos propres sondages dans des écoles de différents types en Bavière et au Bade-Würtemberg, 70% des jeunes de 12-13 ans jouent déjà à ce jeu, et 1 jeune sur 3 le possède lui-même, et l’a même acheté en magasin ! (*) Avec la classification sans indexation de l’USK le jeu peut être promu dans tous les médias et on peut en entendre parler sur Internet via une bande-annonce – et ceci sans aucune limite d’âge.

Les nouvelles dispositions légales, dans les paragraphes 15 et 18 de la loi pour la protection de la jeunesse au sujet des supports médiatiques et télémédias représentant un danger pour la jeunesse, sont claires et nettes, cependant, à cause des pré-examinations de l’USK, on a ignoré le Bureau d’étude des médias dangereux pour la jeunesse (BPjM) qui est pourtant responsable des indexations : c’est ce qui est arrivé pour l’évaluation du Killerspiel GTA IV où le BPjM n’a même pas été consultée, à tel point qu’après une série de valses-hésitations, la commission d’étude des médias pour la jeunesse concernée (KJM) [NdT : les länder ont chacun une commission de ce genre] a statué sur la classification d’âge en rendant un jugement favorable à l’éditeur, « non accessible pour les mineurs », ce qui veut dire en revanche qu’il est accessible à partir de 18 ans, et qu’il peut donc être promu et vendu avec les conséquences évoquées plus haut.

Comment les effets de la violence des médias sur les enfants et les adolescents peuvent-ils être réduits ou empêchés ? Certainement pas par la seule transmission de compétences médiatiques (Ludwig 2008). C’est quelque chose qu’on essaie depuis plus de 20 ans. Les recommandations de certains pseudo-scientifiques, qui consistent à « apprendre à nager » au milieu des flots d’image à l’aide des parents et des pédagogues des médias, sont vouées à l’échec. Il est surtout important de modifier les restrictions législatives grâce à des règlementations plus efficaces – sous la responsabilité de l’état et de lui seul. Cela signifie également que les pré-examinations de l’USK, avec leur accessibilité d’âge, doivent être supprimées.

Les Killerspiele sont un danger pour la société

Helmut Lukesch

Dans notre étude, nous avons formulé comme suit la réponse à la question de savoir comment les effets de la violence des médias sur les enfants et adolescents pourraient être réduits ou empêchés :

Sur le plan politique, cela fait longtemps qu’en Allemagne nous réclamons une interdiction des jeux vidéo contenant de la violence extrême (‘Killerspiele’).  Il existe déjà des interdictions acceptées par la société concernant les drogues, la pornographie ou les armes. Toutefois, en ce qui concerne la violence des médias, les opposants politiques et pédagogiques ne cessent d’affirmer que les interdictions ne servent à rien, bien qu’il soit prouvé dans beaucoup de domaines sociaux qu’une interdiction représente une protection certes imparfaite, mais tout de même efficace. En outre, les opposants à une interdiction réclament depuis les années 90 la transmission de compétences médiatiques aux enfants et adolescents. Cela doit être fourni par les familles et les écoles. Le problème ne réside pas dans les 30 à 40% de familles responsables qui régulent et réduisent la consommation médiatique de leurs enfants, mais les 40 à 60 % des familles dans lesquelles ne se passe aucune éducation aux médias, quelles que soient les raisons. Ces parents ne peuvent pas être atteints, ni par des appels publics, ni par des mesures médiatico-pédagogiques. La dimension illusoire de ce concept de protection de la jeunesse par la compétence médiatique au vu des millions d’enfants et d’adolescents concernés n’a toujours pas atteint l’opinion publique. De facto, la consommation de médias violents a été laissée aux soins du libre marché, et ce faisant, aux industries médiatiques. Tant qu’on ne prendra pas de mesures politiques efficaces et que l’on rejettera la responsabilité sur les parents et les écoles, les dommages psychologiques et sociaux provoqués par la consommation de médias violents par un grand nombre d’enfants et d’adolescents continuera à représenter un grand danger pour la société. ( Lukesch, Hopf, Huber, & Weiß, 2006)

C’est pour cela que nous soutenons également Roland Näf, député socialiste et vice-président du Canton de Bern, qui possède une argumentation pertinente, et qui réclame l’interdiction de création, de promotion, d’importation, de vente et de transmission de jeux dans lesquels des actes cruels et violents contre des individus humains ou humanoïdes contribuent à la réussite du jeu.

Dr. Rudolf H. Weiß, pédagogue des médias et chercheur sur l’intelligence, a participé à l’étude de Tübingen, qui établit la co-responsabilité des Killerspiele dans la violence des jeunes. Les co-auteurs sont le Professeur Günter L. Huber de l’Université de Tübingen, et le Docteur Werner Hopf, psychologue et conseiller pour les écoles de Haute Bavière-Ouest.

(*) D’après les chiffres actuels, l’échantillon comprend maintenant 252 élèves, et porte sur davantage de régions rurales de Bade-Württemberg, de sorte que l’étude pour l’année de 4ème et concernant la répartition du type d’école (technique ou générale) est représentative du reste de l’Allemagne. Dans les régions rurales, il n’y a pas de points de vente pour les médias audiovisuels, ce qui explique que chiffres totaux pour les joueurs de 13 ans sont plus bas dans l’étude qui a suivi. Pourtant, les résultats restent fondamentalement les mêmes : bien que GTA IV ait obtenu la classification « non accessible pour les mineurs » de la part de l’USK, il a déjà été joué par un garçon sur deux (53 %) et une fille sur six (17%) entre 13 et 14 ans. Selon les types d’école et la région, le spectre chez les garçons va de 45 à 70 %. Un garçon sur six (17%) le possède déjà lui-même, la plus grande part étant chez ceux qui sont en soutien scolaire (31%). 7% des garçons l’ont acheté eux-mêmes en magasin, et chez les lycéens, le chiffre monte jusqu’à 13%. Concernant la version précédente, GTA San Andreas, que l’USK a classé pour les 16 ans et plus, 85% des garçons de 13 ans et 25% des filles du même âge y ont déjà joué. Ces seuls chiffres démontrent qu’une protection efficace de la jeunesse dans ce domaine est inexistante malgré la nouvelle loi pour la protection de la jeunesse. Ce jeu aurait clairement dû être indexé. A cause de l’USK, la BPjM a été contrecarrée. (Addendum à l’article du Docteur Rudolf H. Weiß , 15 décembre 2008)


Les résultats des sondages datant de novembre 2008 concernent exclusivement la version console du jeu Grand Theft Auto IV. Comme ce jeu vidéo est sorti en version PC début décembre, il serait intéressant de connaître le taux de diffusion de cette version chez les enfants durant les mois qui vont suivre. Pour ce faire, les Docteurs W.H. Hopf et R.H. Weiß comptent effectuer un nouveau sondage dans les mêmes classes en février et mars 2009.

Références :
Beyer, Erik (2008): « Killerspiele »-Verbot ist realitätsfremd. Populistische Kampagnen ballern am Ziel vorbei. In: Medienheft, 26.09.2008
Bundesministerium für Familie, Senioren, Frauen und Jugend (2008): Jugendschutzgesetz und Jugendmedienschutz-Staatsvertrag der Länder vom 01.07.2008 (Stand September 2008)
Hopf, Werner H./ Huber, Günter L./ Weiß, Rudolf H. (2008): Media Violence and Youth Violence. A 2-Year Longitudinal Study. Journal of Media Psychology, 2008, Vol. 20, 3/2008, p. 79–96.
Hopf, Werner H. (Hrsg.) (2004): Bilderfluten – Medienkompetenz und soziales Lernen in der Sekundarstufe. Praxishandbuch. CareLine Verlag, Neuried.
Ludwig, Wolf (2008): Auch « Killerspiele »-Konsum will gelernt sein. Zwischen Freiheit auf Schund und Verbotsaktionismus. In: Medienheft, 30. Oktober 2008.
Lukesch, Helmut (2008): Résumé de la présentation effectuée lors de la Conférence internationale « Jeux vidéo et violence » qui s’est déroulée à Munich le 20 novembre 2008[NdT : on en a parlé ici-même à l’époque]
Lukesch, Helmut/ Hopf, Werner/ Huber, Günter L./ Weiß, Rudolf H. (2006): « Recherche – Jugendmedienschutz und die Unterhaltungssoftware-Selbstkontrolle ».
Näf, Roland (2008): Für ein Verbot von gewaltverherrlichenden Games. Killerspiele. Von der virtuellen zur realen Gewalt. In: Medienheft, 26.09.2008.
Rückert, Sabine (2007): « Wie das Böse nach Tessin kam. » In: Die Zeit, 21.06.2007, Nr. 26.
Weiß, Rudolf H. (2000): Gewalt, Medien und Aggressivität bei Schülern. Hogrefe Verlag, Göttingen.

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Remarques additionnelles (Shane_Fenton)

Encore un article qui nous aura donné du fil à retordre (surtout à mon ami Stefan, qui comme à son habitude, a fait 95% du travail de traduction). Le texte faisait tout de même 8 pages bien remplies, sans illustrations (celles que vous voyez ont été rajoutées par mes soins afin « d’alléger » un peu la lecture). Il était écrit dans une langue relativement claire, mais émaillée de termes scientifiques obscurs et de mots composés (typiques de la langue allemande, et très difficile à traduire fidèlement). Et surtout, nous avons dû nous coltiner le jargon juridique teuton, qui d’après Stefan est encore pire que le nôtre : plus lourd, plus boursouflé, plus… pesant. Nous avons essayé de le traduire le plus fidèlement possible, mais ça n’a pas été une sinécure. Au final, il nous aura fallu 3 soirées et 8-9 heures pour en venir à bout… mais le travail en valait-il la peine ?

Pour ma part, je pense que oui. C’est un texte assez complet, qui synthétise l’essentiel des arguments des opposants aux « killerspiele ». De plus, c’est l’un des rares à se confronter directement aux joueurs, même si ce sont les répliques les plus imbéciles qui ont été retenues et disséquées. Mais bon, c’est de bonne guerre, et si j’ai présenté Rudolf Weiß comme un « dur parmi les durs », ce n’est pas pour rien. Déjà, au sujet de son collègue Werner Hopf, j’évoquais « l’impression d’être face à un mur. Aucune indulgence. Aucune patience. Aucune tentative de se mettre un tant soit peu à la place de […] ‘l’autre bord’. Rien à discuter. De sa part, on n’aura droit qu’à une intransigeance totale, granitique ». Le Dr. Weiß m’a fait une impression à la fois similaire et différente. Il fait preuve de la même intransigeance et de la même absence d’empathie pour les joueurs, mais non content de rejeter leurs critiques, il les écrase de tout son mépris, de toute sa morgue infantilisante. Une bande de pleurnichards, de morveux mal torchés, qui ne méritent rien d’aute qu’une bonne fessée, et au lit sans manger, voilà à quoi il les réduit, et voilà comment il les traite (il a la partie d’autant plus facile qu’il leur arrive effectivement de se comporter de la sorte). On peut ajouter à cela l’absence de compromis vis-à-vis des « killerspiele » (c’est du « fascisme virtuel », il faut les interdire, point final), ainsi que la propension à ne retenir que ce qui l’arrange, quitte à gober un peu vite certaines « informations » suspectes (Final Fantasy 7 en « FPS horrifique » *tousse, tousse*, les élucubration d’un Michael Wallies égal à lui-même, etc.).

Mais ce qu’il faut retenir à mon sens, c’est la valeur « documentaire » de cet article, qui est l’un de ceux qui nous éclairent le mieux sur les convictions, les arguments et la manière de penser des opposants les plus radicaux aux « killerspiele » (je recommande également la lecture du texte phare d’Elke Ostbomk-Fischer, « Conception de l’homme et éducation aux médias »). Voilà ce qu’ils étaient, voilà ce qu’ils prônaient quand ils étaient à leur apogée il y a 5 ans. D’ailleurs, ils prônent toujours la même chose : quand on lit leurs textes les plus récents, on se rend compte qu’ils n’ont pas changé d’un iota. La seule différence, c’est qu’ils virent à l’aigre, parce qu’ils ne sont jamais arrivés à leurs fins, et qu’au fur et à mesure que les années passent on les écoute de moins en moins… jusqu’à la prochaine fusillade ?

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est joueur depuis les années 80, et joueur passionné depuis 1990. Ouais, à peu près comme tout le monde ici, quoi. Sauf qu'en plus, il cause. Beaucoup. Mais alors beaucoup. C'est pas sain pour lui qu'il cause autant. Faudrait plutôt qu'il joue.
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2 commentaires »

  1. Étonnant ton dispositif, c’est un peu « A cinq ans, tout seul avec Goldorak ». Je veux dire qu’en laissant entièrement « la parole à l’accusation », ben on est rapidement convaincus, ce qui ne doit pas complètement être ton objectif.

    Quand on pense que le jeu (moderne en tout cas) passe toujours pas l’euphémisation, la réglementation de la violence dans les jeux vidéo serait de toute façon assez logique.
    Personnellement, j’y ai toujours préféré l’aspect « deuxième monde » à celui du jeu agonistique, alors là aussi, l’équivalent d’un « contrat social » pourquoi pas.

  2. Mon objectif est surtout que chacun prenne connaissance de « l’accusation », et en tire ses propres conclusions. J’ai les miennes, bien sûr, et j’en fais part, mais je ne force personne à penser comme moi. D’autant que ce serait déloyal vis-à-vis des personnes que je traduis de disqualifier leurs arguments juste après les avoir présentés aux lecteurs. Si ces derniers sont convaincus des arguments de « l’accusation », qu’il en soit ainsi : il vaut mieux les laisser se forger leur propre opinion plutôt que de leur imposer la mienne.

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